La crise sanitaire qui accompagne l’épidémie de coronavirus est révélatrice des insuffisances chroniques de l’État français, qui mène en Guyane, comme dans l’ensemble de ses colonies, une politique d’exploitation coloniale associée à un sous-développement endogène.Alors que la France est officiellement passée au stade 2 de l’épidémie le 28 février, puis au stade 3 le 14 mars, il a fallu attendre le 16 mars pour que de premières restrictions de voyages de la France vers la Guyane soient mises en place et le 23 mars pour constater enfin une baisse du trafic aérien. L’État responsable de l’ensemble des contaminations recensées
Entre le 28 février et le 23 mars ce sont près de 500 voyageurEs qui sont arrivés chaque jour en Guyane depuis la France contaminée. Et c’est seulement après les mesures de confinement généralisées que l’ARS a demandé aux voyageurEs de bien vouloir rester en quatorzaine, excluant les soignantEs de cette mesure de bon sens. Le bilan de cet incroyable raté était, au 28 mars, de 37 cas avérés d’infections au coronavirus, dont 32 directement importés de France et 5 cas issus de contact avec les cas importés. Cependant, ces chiffres sont très contestables car, sous prétexte que la Guyane est toujours officiellement au stade 1 de l’épidémie, seul les personnes ayant voyagé récemment en France ou ayant été au contact direct d’un porteur identifié peuvent bénéficier d’un test, il n’y a aucune autre possibilité de se faire dépister ! Une catastrophe sanitaire dans un désert médical
La Guyane fait partie de ces colonies où la France a mis en place le minimum vital pour justifier son action coloniale. Ainsi, le port spatial qui fait la gloire de la France et de l’Europe, côtoie des bidonvilles sans cesse plus importants qui regroupent plusieurs milliers de personnes. Dans ces zones sans eau courante, la perspective d’une épidémie massive donne le frisson. Les infrastructures sanitaires, bien qu’en meilleure forme financière qu’avant la crise de 2017, sont toujours loin de répondre aux besoins fondamentaux de la population guyanaise. À titre d’exemple, on dénombre 11 lits de réanimation en Guyane pour 300 000 habitantEs, soit trois fois moins que les standards français qui sont totalement submergés par la vague épidémique. L’absence de CHU, dont la création a pourtant été validée par l’État depuis 20 ans, génère un déficit accru en personnel médical et en personnel soignant. Si le coronavirus contamine ici le même taux de soignantEs qu’en France, alors ne nous savons pas qui pourra nous soigner durant l’épidémie.En finir avec la tutelle coloniale, le seul salut pour la Guyane
Devant cette situation, l’UTG (Union des travailleurs guyanais) et le MDES (Mouvement de décolonisation et d’émancipation sociale) tentent de rassembler toutes les forces vives du pays pour dénoncer les insuffisances de l’État français en Guyane. Cette crise sanitaire révèle, peut-être encore plus que lors du mouvement social de 2017, à quel point la gestion politique de la Guyane ne peut se faire à 8000 kilomètres du territoire. La demande d’évolution statutaire de la Guyane vers un statut sui generis, adopté par le Congrès des élus de Guyane en janvier dernier, est un premier pas important vers cet affranchissement de la tutelle coloniale.