Publié le Mercredi 30 mars 2011 à 17h51.

Libye : une révolution à l'ombre des bombardiers de l'Otan ?

L'entrée de l'Otan dans l'intervention militaire en Libye confirme le caractère impérialiste de cette guerre qui, contrairement aux déclarations de bonnes intentions, n'aidera pas le peuple libyen à se libérer de la dictature.Après nous avoir servi pendant quelques jours la fable d'une « guerre humanitaire » qui n'aurait eu pour intention que de venir en aide à la population libyenne en lui permettant de se débarrasser d'un dictateur, l'entrée dans la danse (macabre) de l'Otan vient quelque peu donner à l'affaire un caractère moins reluisant. Il faut bien appeler un chat un chat et une mission de l'Otan pour ce qu'elle est... une opération militaire impérialiste ! D'ailleurs, les faux-nez tombent les uns après les autres, celui d'Alain Juppé le premier.

En moins d'une semaine, le chef de la diplomatie française, un temps supplanté par l'amuseur public Bernard-Henri Lévy, a changé de position. Le 21 mars, il n'était pas question pour lui que le bras armé de l'alliance atlantique prenne la direction des opérations militaires en Libye car, disait-il, « Les pays arabes ne veulent pas d'une opération sous le drapeau de l'Otan ». Dimanche 27, le responsable du département d'État américain mettait fin à la posture pseudo indépendante du gouvernement français, et annonçait que la mise en application de la résolution 1973 de l'ONU était « placée sous pilotage politique de l'Otan ».

Ce scénario était parfaitement prévisible, car utilisé à maintes reprises dans le passé par les pays impérialistes, que ce soit en Afghanistan, en Irak, ou contre les peuples de l'ex-Yougoslavie. À chaque opération militaire de l'Otan, les mêmes arguments sont avancés par les médias occidentaux : il s'agit toujours bien sûr de « protection des populations civiles » de « promouvoir la stabilité internationale » ou de faire face aux menaces terroristes, islamistes... C'est selon.

Les résultats de cette nouvelle agression de l'Otan sont hélas eux aussi déjà prévisibles. Loin de venir en aide aux révolutions en cours, la confiscation du soulèvement populaire libyen, au profit d'un écrasement militaire venu de l'extérieur, par des forces de l'impérialisme, ne peut conduire qu'à la mise en place d'un régime pour longtemps débiteur de ces mêmes forces. Des négociations sont déjà entamées entre certains pays et le Conseil national de transition (CNT) qui prétend à l'exclusivité dans la représentation du peuple libyen. Celles-ci n'abordent nullement les conditions de la mise en place d'un régime démocratique alternatif à la dictature de Kadhafi, mais à la commercialisation par la Qatar Petroleum du brut extrait dans les zones contrôlées par les rebelles. Nous sommes très loin des aspirations démocratiques exprimées par les révolutionnaires de la place Tahrir ou de la Kasbah de Tunis !

Les militantes et militants du NPA, s'il soutiennent le peuple libyen dans sa lutte contre la dictature de Kadhafi, ne sauraient cautionner d'une quelconque façon l'opération impérialiste en cours. Ils entendent, partout où cela est possible, créer dans l'unité des comités de soutien aux processus révolutionnaires en cours. Le renversement de la dictature doit être l'œuvre des Libyens eux-mêmes, aidés par les révolutions de Tunisie et d'Égypte. La Libye aujourd'hui n'est pas l'Espagne de 1936, et la référence faite par certains aux Brigades internationales qui sont venues combattre l'armée fasciste du général Franco aux côtés des républicains n'a qu'une valeur sentimentale.

Notre première tâche est de nous attaquer à notre propre impérialisme en dénonçant ses crimes, sa complicité pendant de nombreuses années avec la dictature et les juteuses affaires aux odeurs de pétrole que la bourgeoisie française s'apprête à faire avec les futurs dirigeant libyens, quels qu'ils soient. C'est en liaison avec les révolutionnaires égyptiens et tunisiens qui aujourd'hui apportent une aide matérielle concrète aux réfugiés qu'il faut également envisager le soutien des anticapitalistes européens à la révolution libyenne.

Alain Pojolat