Publié le Dimanche 7 novembre 2010 à 15h01.

Livre : LKP, Guadeloupe le mouvement des 44 jours de F. Gircour et N. Rey

«Sommes-nous des Français à part entière ou bien des Français à part ? » Aimé Césaire posait déjà la question… en 1967. Le livre de Gircour et Rey donne une réponse : Français peut-être, mais Guadeloupéen, Antillais, sûrement et à part entière ! C’est le récit de 44 jours d’insurrection qui firent plier les Békés, la bourgeoisie locale et la puissance coloniale : la France. Une grève générale totale, déterminée de tout un peuple : le front unique enfin abouti. Il portait un nom : LKP pour Lyannaj Kont Pwofitasyon (rassemblement contre l’exploitation). Une levée en masse qui ne dut ses scènes de violence qu’à la protection des intérêts impérialistes par la puissance coloniale : la France. C’est aussi un retour sur l’histoire de l’île, l’esclavage aboli puis rétabli (1802) puis  aboli de nouveau (1848) qui continue de marquer tout un peuple. Ses nombreuses révoltes, les répressions sanglantes jusqu’à l’horreur de 1967 (85 morts) qui ont marqué au fer rouge la conscience collective. Ce livre est surtout un bilan de cette lutte exemplaire. « Fermer d’autorité les entreprises, comme le LKP l’a fait régulièrement, a eu l’effet paradoxal, de libérer des salariés du chantage implicite ou explicite exercé par leur patron et leur a permis effectivement de pouvoir faire grève, de manifester sans être inquiétés, ce que la loi, à elle seule, ne garantit pas. » Quelle autorité, quelle légitimité acquise par le mouvement pour réussir à imposer au patronat un tel rapport de forces ! Que d’encre et de bave cette intransigence de classe n’a-t-elle pas fait couler, alors que l’évidence était là : le LKP était le peuple. Cet ouvrage tombe plutôt à pic : le mouvement actuel de mobilisation en métropole contre la politique du gouvernement a bien sûr ses effets aux Antilles. Les attaques que nous subissons, ils les subissent aussi, doublées de mépris raciste. (voir aussi page 5) Antoine Detaine

Syllepse, 190 pages, 15 euros