Bien que les porte-paroles de l’armée française tentent de relativiser les difficultés qu’ils rencontrent sur le terrain, la situation sécuritaire se dégrade de jour en jour.
En effet, pas une semaine sans un accrochage, une attaque ou un attentat, comme à Tessalit où une voiture piégée a explosé, faisant trois morts et plusieurs blessés. Quelques semaines plus tôt, cinq tirs d’obus s’abattaient sur la ville de Gao, après des attaques suicides contre les casernes de Tombouctou.
Déploiement de troupesDepuis les accords de paix de Ouagadougou, l’armée française dans le cadre de Serval a successivement déclenché les opérations Netero, Centaure, Dragon, Constrictor et maintenant Hydre qui mobilise plus de 1 500 soldats dont 700 Maliens du 2e bataillon formés récemment à Elou, 300 des forces onusiennes de la Minusma et 600 Français. Cette opération est appuyée par des hélicoptères Tigre et Gazelle et se déroule au nord et sud de la boucle du fleuve Niger. Son but est d’empêcher la réorganisation des réseaux armés islamistes et de mettre à mal leur logistique.En face les djihadistes se sont regroupés en créant une nouvelle formation « Al Mourabitoune », allusion au califat des almoravides au XIe siècle. Elle est composée essentiellement du MUJAO (Mouvement pour l’unicité du djihad en Afrique de l’Ouest) et les Tributaires par le sang de Mokhtar Belmokhtar. Au plus fort de l’opération Serval, 4 500 soldats français étaient sur le terrain, et il en reste actuellement 3 000. Ainsi, annoncé après la fin de la bataille des Ifoghas, le retrait des forces françaises reste limité et il est probable que l’objectif de seulement 1 000 soldats français en janvier 2014 ne pourra pas être tenu. D’autant que du côté des forces onusiennes, on peine à atteindre les 12 000 casques bleus : seulement 5 200 sont actuellement déployés au Mali.Au début du mois d’octobre, la découverte par deux journalistes de RFI et du journal Libération d’un document d’AQMI écrit par son dirigeant Abdelmalek Droukdel, montre que l’agenda des groupes djihadistes était la mise en place progressive d’un État islamiste dans le nord du Mali, et non de descendre sur Bamako, comme l’ont prétendu le gouvernement français et autres experts du petit écran. Mais faire croire que 400 djihadistes pouvaient mettre au pas les deux millions d’habitants de la capitale a contribué à légitimer l’intervention militaire française...
Un pays toujours en criseDe par son score impressionnant aux élections présidentielles, plus de 77 % des suffrages, Ibrahim Boubacar Keïta dit IBK est apparu aux yeux des populations maliennes comme l’homme opposé au pouvoir précédent. Il n’est pas sûr que cette légitimité lui permette de résoudre les problèmes. L’armée malienne reste en crise, comme en témoigne les derniers soubresauts, avec la mutinerie de soldats de la garnison de Kati. Ces anciens partisans du capitaine Sanogo qui avaient conduit le putsch, renversant l’ancien Président Amadou Toumani Touré, ont protesté contre leur mise à l’écart des dernières promotions. Depuis, une épuration violente vise les mutins. Ainsi les corps sans vie de cinq d’entre eux ont été découverts à Kati.Concernant le nord du Mali, IBK a convoqué les « États généraux de la décentralisation ». Si les dirigeants du MNLA et du Haut-conseil de l’unité de l’Azawad (HCUA) qui a recyclé une partie des militants du groupe islamiste Ansar Dine n’étaient pas présents, certaines personnalités proches de cette mouvance ont participé aux travaux. Il en ressort la volonté de renforcer les lois existantes en matière de décentralisation, en améliorant l’accompagnement financier. Cela implique de régler les problèmes de corruption et de détournements de fonds qui restent prégnants. De plus, les populations n’ont pas eu la possibilité de réellement s’impliquer et de faire valoir leurs besoins, même s’il faut souligner l’effort d’associer les élus de base et les chefs coutumiers.La crise majeure que connaît le Mali exige un changement en profondeur en termes de satisfaction des besoins sociaux et de contrôle des populations sur la marche du pays. Autant dire que de telles mesures ne sont pas près d’être acceptées, ni par les dirigeants maliens ni par l’autorité de tutelle que la France continue de jouer.
Paul Martial