Publié le Jeudi 2 juillet 2009 à 14h18.

Martinique : réorganisation néocoloniale 

Nicolas Sarkozy est allé aux Antilles, trois mois et demi après d’imposantes mobilisations. Pendant toute cette période, Sarkozy n'a fait que compter sur le pourrissement du mouvement. 

 

Pour la Martinique, le président du conseil régional, Alfred Marie-Jeanne, et le président du conseil général, Claude Lise, ne s’étaient pas placés en dehors du mouvement du 5 février, mais s’étaient montrés très timorés, quant à sa durée et à son approfondissement, en critiquant « la méthode choisie, qui n’était pas adaptée ». Ils ont aussi expliqué que la solution passait par le statut d’autonomie qu’ils revendiquaient pour la Martinique. En fait, il s’agissait pour eux de réclamer la simplification administrative qui consiste à ne pas accumuler sur une île de 1000 km2 deux collectivités qui doublonnent dans bien des domaines. On agrémentera tout cela de quelques transferts de « charges et de compétences ». Cela reste dans le cadre de la Constitution française qui, dans ses articles 72, 73 ou 74, prévoit les possibilités d’aménager l’organisation territoriale des dernières colonies sans mettre en cause la puissance tutélaire de la France. Véritable tour de passe-passe qui fera prendre les vessies néocoloniales pour des lanternes décolonisatrices.

Pour son déplacement en Martinique, Nicolas Sarkozy a d’abord pris toutes les précautions utiles : 900 gendarmes supplémentaires pour quadriller les lieux qu’il visitait avec un public trié sur le volet. Il a habilement choisi l'occasion de l'hommage officiel enfin rendu par la France aux premiers Résistants antillais contre Pétain et Hitler, ceux qu’on appelle aux Antilles les « Dissidents ». Tout en passant sous silence le nom de quelques Dissidents célèbres, comme Frantz Fanon ou Marcel Manville, il a arraché des larmes aux survivants en dénonçant sans ambages l'injustice de l'oubli.

Il a mis en avant des états généraux qui ne sont qu’une manière de torpiller les négociations entre le Collectif du 5 février, le patronat, l’Etat et les collectivités, qui avaient été imposées par le grand mouvement social du début 2009 ! Il en a profité pour tout promettre sur le scandale des prix aux colonies, sur la fin du racisme institutionnel symbolisé par une haute administration et une « élite » blanches dans un pays de Noirs. Il a laissé entrevoir de nouvelles libertés en matière de relations avec la Caraïbe. Il a inauguré l’aéroport de la Martinique du nom d’Aimé Césaire. En somme, avec ces trois moments, on a eu droit à trois exercices d'hommage du vice à la vertu !

Il ne resterait finalement à cet expert en belles paroles qu'à reconnaître le droit des peuples martiniquais, guadeloupéen, à l’autodétermination. Mais proclamer ce droit démocratique, sans évidemment prétendre choisir à leur place, c'était le Rubicon infranchissable. Le bon peuple en est réduit aux supputations sur les intentions du Prince. Va-t-on lui demander de choisir entre statu quo et changement? Mais quel changement ? Seul le « démocrate » Sarkozy a les clefs et il n'acceptera de les montrer qu'aux élus pour décider lui-même en tout état de cause. 

Gilbert Pagot