Publié le Vendredi 15 janvier 2010 à 19h17.

Martinique, une défaite annoncée

Le 10 janvier en Martinique, comme en Guyane, les électeurs devaient répondre par oui ou par non à la question suivante : « Approuvez-vous la transformation de la Martinique et de la Guyane en une collectivité d’outremer régie par l’article 74 de la Constitution, dotée d’une organisation particulière tenant compte de ses intérêts propres au sein de la République ? » Les collectivités d’outremer disposent d’une plus large autonomie que les départements d’outremer, elles sont régies par l’article 74 de la Constitution tandis que les DOM le sont par l’article 73. 54,61 % des inscrits se sont déplacés pour voter et le non l’a emporté avec 78,9 % des suffrages exprimés.

Le résultat était attendu, mais son ampleur étonne. Le peuple a bien senti qu’il s’agissait d’une cuisine mitonnée en dehors de lui par les élus locaux et le pouvoir. La grève générale de 38 jours en Martinique, en février-mars 2009, en même temps que la Guadeloupe, avait montré le grand mécontentement du peuple et sa détermination. Il avait fait trembler les profiteurs et le pouvoir colonial mais aussi les partis majoritaires de la gauche institutionnelle, le Mouvement indépendantiste martiniquais (MIM) et le Parti progressiste martiniquais (PPM) et le Rassemblement démocratique martiniquais (RDM). À la fin de l’année 2008, ces partis venaient de se lancer dans des conciliabules confus avec le pouvoir pour obtenir une « évolution institutionnelle » dans le cadre des articles 73 et 74 de la Constitution.Sarkozy, craignant un embrasement généralisé dans ses colonies, a alors sorti le hochet des prétendus États généraux qui permettaient aux profiteurs de déserter les tables de négociation que leur imposaient les travailleurs en grève et aux politiciens de se sortir d’une crise sociale qui les embarrassait. Au lieu de soutenir les travailleurs en lutte, de reprendre leurs aspirations, ils ont rallié l’initiative du pouvoir. C’était pourtant le moment d’exiger une remise à plat de tous les problèmes et une véritable négociation sur la base du rapport de forces créé dans la lutte et de réclamer une vraie consultation de la population par l’élection d’une assemblée constituante ou instituante. Au lieu d’adopter cette ligne de lutte avec le peuple et de négociation avec le pouvoir, les partis de gauche majoritaires ont finalement permis à Sarkozy de reprendre la main, d’amuser la galerie avec le débat entre « treizistes » et « quatorzistes » et de sommer les Martiniquais de choisir entre deux articles de la Constitution française dans des termes et des modalités qu’il avait lui-même choisies. Face à cette péripétie, quid des anticolonialistes et anticapitalistes ? Le Groupe Révolution socialiste (GRS) appelait à voter pour l’article 74 mais sans illusion sur le choix entre deux articles d’une Constitution qui se refuse à reconnaître la qualité de peuple aux Martiniquais. Ce n’est que dans la poursuite des luttes dans l’unité que le peuple martiniquais fera avancer ses revendications sociales et démocratiques et que le système colonial pourra être détruit. Correspondants