Publié le Mercredi 17 octobre 2018 à 11h32.

Mobilisation à l'université des Antilles contre une injustice flagrante

Une mobilisation inédite a lieu en ce moment à l'université de Fouillole à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. Une étudiante en droit demande justice car, suite à une erreur de l'université, on lui interdit le passage en deuxième année.

C'est la goutte qui a fait déborder le vase. Car des cas comme celui de Wendy, il y en a eu des tas dans le passé, mais aucun n'a pris cette ampleur, ni fait autant de vagues. Le journal local, la télé s'en sont emparés. C'est devenu le pot de terre contre le pot de fer : Wendy affirme avoir assisté à son examen de rattrapage en juin, mais ne pas avoir signé la feuille d'émargement, où son nom n'apparaissait pas. L'administration soutient qu'elle était absente et lui a mis un zéro, ce qui lui interdit de passer en deuxième année. Cette fois, les autorités universitaires sont  tombées sur un os : l'étudiante, soutenue par sa mère, des étudiantEs et des profs, a décidé de se battre pour faire reconnaître ses droits.

Mépris social

Car les dysfonctionnements sont légion dans cette université, et chaque étudiant ou professeur a pu les constater : salles vétustes, présence de rats, matériel défectueux, et de nombreuses erreurs administratives (copies égarées, relevés de notes incomplet, zéros pour absence alors que l'étudiant était présent). Sans parler du mépris social à l'œuvre envers les étudiantEs modestes. Wendy est une étudiante boursière, qui avait déjà subi des erreurs dans ses notes l'année précédente, l'obligeant à redoubler. Elle n'avait à l'époque pas osé protester. 

Une ancienne professeure témoigne du mépris de certains enseignants déclarant à propos des étudiantEs en droit : « Ici, nous avons des étudiants avec des bacs de merde ». Et elle s'interroge sur le responsable de l'examen de Wendy, qui donne ses copies à corriger à d'autres et qui vend ses polycopiés sous le manteau !

Un livre blanc a été édité par le journal lycéen Rebelle ! avec des témoignages accablants. Tel ce père témoignant que l'université avait annoncé en 2011, à la suite du concours pour le passage en deuxième année de médecine, que les étudiantEs devaient repasser leurs épreuves, car les copies avaient été mouillées par la pluie ! Lorsqu'un de ses fils est parti à Tours continuer son cursus, l'université n'avait pas transmis son dossier. D'autres témoignages dénoncent le laisser aller de cette faculté, comme cette étudiante qui pointe le racisme de certains professeurs venant de métropole, pensant que « nous sommes des petits ignares ». Comme le souligne un tract de soutien : « Si Wendy avait été la fille du préfet ou une amie des riches békés, le problème aurait été réglé immédiatement ».

La mobilisation se développe

En septembre, devant le mutisme de l’administration, Wendy et sa mère, ainsi que plusieurs étudiantEs, se sont enchaînés devant l'université pour dénoncer ce scandale. Des meetings ont eu lieu en octobre, ainsi qu'une conférence de presse. Le 9 octobre, un appel à la grève a été lancé pour la journée d'action interprofessionnelle. Le combat des étudiantEs est soutenu par nombre d'organisations politiques et syndicales. L'affaire commence à faire du bruit, et les témoignages affluent. 

Après avoir fait la sourde oreille, les autorités essaient de contre-attaquer : le président de l'université est en effet passé au journal télévisé le lundi 8 octobre pour parler de la rentrée. À la place, il a employé son temps de parole à accuser l'étudiante Wendy d'avoir triché. Il affirme avoir diligenté une expertise graphologique, laquelle prouverait que la copie avait été falsifiée, et que l'écriture n'était pas celle du professeur de droit. Mis à part le fait qu'une expertise « graphologique » est aussi scientifiquement sérieuse que la voyance, il est de notoriété publique que certains profs sous-traitent à tout va leurs corrections de copies ! Et l'administration refuse toujours de transmettre les documents sur lesquels elle se base !

Wendy et ses soutiens sont déterminés à aller jusqu'au bout, contre le mépris social et pour que justice soit rendue, cette fois, à une étudiante. Une affaire à suivre.

Régine Vinon