« Des dirigeants qui se disent solidaires du combat de Mandela pour la liberté mais ne tolèrent pas l’opposition de leur propre peuple »…
La critique est violente mais contrairement à ce qu’on aurait pu croire, elle n’est pas venue du dirigeant cubain Raoul Castro mais de celui qui venait justement de lui serrer la main, à savoir le Président étatsunien Barack Obama.Ce même Obama avait serré un peu plus tôt celle de Hollande qui venait lui de serrer celle de Sarkozy, à l’occasion des obsèques de Mandela qui se sont tenues dans le stade de Soweto mardi 10 décembre.
Une pluie d’hypocrisieIl pleuvait à torrent sur un stade à peine rempli, et cette météo rafraîchissante, cette pluie sur ce prestigieux parterre des puissants du monde, cachait bien mal le nuage d’hypocrisie qui règne sur ce monde de politiciens. Mais cet hommage mondialement retransmis a bien été une opération politique, une véritable comédie œcuménique associant les larmes des dictateurs avec celles des peuples qu’ils oppriment, les anciens soutiens de l’Apartheid avec celles et ceux qui l’ont combattu.Aujourd’hui au bord de l’explosion, l’Afrique du Sud est en pleine crise, et l’hommage à Mandela sert de diversion pour tous ceux qui, au nom d’un prétendu héritage, dirigent un système libéral qui a certes permis l’éclosion d’une bourgeoisie noire mais continue l’oppression et la répression contre tout un peuple.
Le peuple se manifesteLe seul véritable moment de vérité fut le tonnerre de sifflets populaires accompagnant l’arrivée de Jakob Zuma, actuel Président de l’Afrique du Sud et nouveau chef de l’ANC. Dernier représentant politique à s’exprimer à la tribune, le successeur de Mandela a vu le stade se vider pendant son intervention. Après avoir rendu hommage à Mandela, Zuma a déclaré : « laissons la tolérance s’établir, pour créer les bases de la paix. Et par-dessus tout, œuvrons pour lutter contre la faim, la maladie et d’autres maux dont souffre l’humanité ». Le peuple sud-africain a apprécié, tant Zuma est connu pour être devenu le chef de la corruption, des magouilles et de la répression qui dominent aujourd’hui le pays. Il aurait pu aisément faire parti des dirigeants vilipendés, le temps d’un discours, par Obama…Ne manquait à l’appel de tout ce beau monde que le dirigeant actuel du sionisme israélien qui fut l’un des plus grand défenseur de l’esclavage des noirs, à savoir Benjamin Netanyahou, retenu, dit-on, pour des « raisons de sécurité » et des « frais de voyage » jugés trop onéreux… Peut-être que la véritable raison de cette absence est surtout que Netanyahou n’a pas besoin de faire des milliers de kilomètres pour entendre parler d'un peuple opprimé, il a déjà ça « à la maison » : le peuple palestinien...
Obama prend la poseDans le stade de Saweto, Obama a pu s’offrir aux yeux du monde un moment « progressiste », ses « fifteen minutes » de gauche. « Madiba est le dernier grand libérateur du XXe siècle » a-t-il ainsi déclaré. Bien loin de la politique des USA pourrait-on ajouter… Difficile de faire oublier le rôle toujours décisif de l’impérialisme étatsunien dans le monde, sans oublier bien entendu la situation misérable des minorités ethniques aux USA, de la grande majorité des noirs américains en particulier, même si ceux-ci ont le droit de s’asseoir à coté des blancs dans les bus.« Inoubliable » a dit le sénateur ex-PCF Robert Hue, un des cinq invités de Hollande qui ne représente plus que lui-même (et encore)… Finalement, la seule image importante de cet hommage fut bien cette poignée de main oh combien significative échangée par Hollande et Sarkozy, l’un poursuivant en effet le (sale) travail de l’autre. Effectivement inoubliable !Non décidément, ce monde là n’est pas le nôtre.
Alain Krivine