Publié le Mercredi 3 décembre 2014 à 09h36.

Palestine : dans quel État ?

Par 339 voix contre 151 (et 16 abstentions), l’Assemblée nationale s’est donc prononcée pour la reconnaissance de l’État de Palestine. Ne boudons pas notre plaisir : comme lors de l’admission de la Palestine à l’ONU, en tant qu’« État non-membre », en novembre 2012, les mines déconfites des partisans de l’État d’Israël, qui constatent que ce dernier n’est pas intouchable, sont pour le moins réjouissantes. Mais ne nous y trompons pas. Le vote des parlementaires est symbolique, et n’aura aucune conséquence concrète pour les Palestiniens. Tout d’abord parce que les assemblées françaises n’ont pas de rôle décisionnel en matière de diplomatie, et se contentent d’« inviter » l’exécutif à reconnaître l’État de Palestine. De plus, le texte de la résolution ne prévoit aucun mécanisme contraignant à l’égard d’Israël, quand bien même celui-ci occuperait désormais un « État » formellement reconnu. Laurent Fabius a d’ailleurs expliqué qu’avant toute reconnaissance formelle, la France défendrait une « relance des négociations » pour aboutir, d’ici « deux ans », à une solution définitive. Mais de qui se moque-t-on ? En 1994, les accords d’Oslo promettaient une solution « dans cinq ans ». En 2003, George W. Bush envisageait une solution « en 2005 ». En 2007, il prévoyait l’établissement d’un État palestinien « dans un an ». En 2010, Obama en appelait à la création dudit État « en 2011 ». Etc. Pendant combien d’années la mascarade diplomatique va-t-elle encore se poursuivre ? Pendant combien de temps l’État d’Israël va-t-il pouvoir expulser, enfermer et bombarder les Palestiniens sans s’attirer davantage de réprobation que des prises de position symboliques et des invitations à « négocier » ? Combien de lois discriminatoires et racistes vont-elles encore être adoptées au Parlement de la « seule démocratie du Moyen-Orient », sans que nos courageux gouvernants ne lèvent le sourcil ? Le temps des mesures symboliques et de la défense de pseudo-négociations bilatérales entre l’occupant et l’occupé est largement révolu. L’urgence de l’heure n’est pas à la reconnaissance d’un État qui n’existe pas, mais bel et bien au boycott total et aux sanctions contre un État qui jouit d’une lamentable impunité internationale. C’est l’isolement et la mise au ban de l’État d’Israël, par le développement de la campagne BDS, qui pourront permettre d’envisager un avenir moins sombre pour les Palestiniens.

Julien Salingue