Publié le Vendredi 17 juin 2011 à 14h03.

Portugal : après le peuple, la gauche paye la crise

Les élections législatives anticipées du 5 juin dernier ont été marquées par une forte abstention et le retour de la droite au pouvoir. Le gouvernement de Socrates paye ainsi sa politique d’austérité, mais le Bloc de gauche fait aussi les frais de la victoire de la droite. Jorge Costa, du « bloco », analyse ce résultat et les enseignements que l’on peut en tirer.Dans quel contexte politique et social s’est déroulée cette élection législative anticipée ?Le résultat de ces élections est le reflet d’un changement radical de cycle politique, produit de l’intervention active de la « troïka » (FMI - Union européenne - Banque centrale européenne). Le mensonge a fonctionné et l’idée selon laquelle l’économie portugaise est au bord de la faillite, qu’il n’y aura plus d’argent pour payer les salaires dès juillet, que l’intervention est une aide dont l’austérité est l’inévitable prix à payer, s’est ancrée en profondeur dans le pays. La peur a habité la campagne.Réunis, la droite (PSD et CDS), le PS, les patrons, les médias ont martelé ce message qui s’est imposé. L’espace pour des propositions alternatives s’est réduit. Une part importante de la population pense que les gauches « parlent très bien », mais ne peuvent pas payer et protéger. Nous avons pu nous rendre compte au fil de la campagne active que nous avons menée que le refus du Bloc de gauche d’être représenté aux côtés des autres partis portugais à des prétendues négociations avec la troïka a été vu d’un très mauvais œil par de nombreux électeurs. Même des électrices et électeurs très à gauche ont préféré miser sur la gauche qui voulait « limiter les pertes » que sur celle qui appelait à la résistance à la politique d’austérité !Quels sont les principaux enseignements que l’on peut tirer du scrutin ?Le PS a perdu et c’est la droite qui l’a emporté largement avec comme mission l’application des mesures négociées par Socrates avec la troïka. L’abstention a été forte.La banqueroute est toujours un chantage contre le peuple. Rien de nouveau dans l’histoire mais c’est la gauche qui trinque toujours. Et dans la gauche, c’est contre le Bloc que cet effet a joué le plus. Nous avons très peu de « voix de toujours » et, contrairement à 2009, nous avons eu très peu de voix en provenance de l’électorat traditionnel du PS voire du PSD. Nous devons en permanence reconquérir notre espace politique électoral. Notre électorat « captif » est moins important que celui du PCP1 qui est certain de « toujours tenir » ses 7 %.

Comment analyser le revers du « Bloco » ?

Le Bloc de gauche a fait une campagne risquée parce qu’il a voulu démonter le mensonge. La proposition d’un audit sur la dette et la renégociation de son paiement a été au cœur de notre campagne électorale et va demeurer l’axe central de notre agitation dans la période qui vient.

Les prévisions concernant l’effet des mesures imposées par la troïka sont claires : récession de 2 % en 2011 ; 2 % en 2012 ; 100 000 chômeurs dans cette période qui s’ajoutent aux 600 000 que le pays compte actuellement.Malgré cela, la proposition du Bloc est encore loin d’avoir la force nécessaire pour être mobilisatrice dans la société. Il faut du temps pour qu’elle fasse son chemin car c’est la seule voie pour des mobilisations populaires qui puissent véritablement résister à l’austérité et protéger la population contre la banqueroute des salaires et des pensions.

Propos recueillis par Fred Borras1. Parti communiste portugais.