Le conclave des cardinaux a élu pour la première fois un pape américain, un homme qui a critiqué la politique du président Donald Trump et du vice-président J.D. Vance. Que signifie pour l’Amérique le choix de cet Américain à la tête de l’Église catholique ?
L’Église catholique est une organisation énorme et influente. Il y a 1,4 milliard de catholiques dans le monde. Vingt pour cent des Américains sont catholiques, soit 73,2 millions d’entre eux. Les protestants sont plus nombreux en Amérique, mais ils sont divisés en de nombreuses églises, alors que l’Église catholique est la plus grande organisation religieuse des États-Unis. Alors qu’elle était majoritairement blanche, les immigrantEs du Mexique, d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud ont modifié la composition ethnique de l’église. Aujourd’hui, 36 % des catholiques américains sont hispaniques, 54 % sont blancs, 4 % sont asiatiques et 2 % sont noirs. Et en 2024, Trump a remporté les suffrages de 54 % de tous les catholiques et de 61 % des catholiques blancs.
Sur les traces de François
Oui, l’Église catholique est une institution fondamentalement conservatrice, voire réactionnaire, patriarcale et sexiste, qui refuse aux femmes des rôles de direction ou même une voix dans les délibérations, et qui leur refuse le droit au divorce et à l’avortement. Il est vrai qu’elle n’a pas réussi à protéger les enfants des abus sexuels commis par des prêtres. Oui, historiquement, elle a été liée en de nombreux endroits, et en particulier en Amérique latine, à la classe dirigeante des propriétaires terriens et des capitalistes, ainsi qu’à l’État. Oui, pendant des siècles, elle a eu le caractère de « l’opium du peuple », une drogue pour les oppriméEs.
Pourtant, même cette institution conservatrice a produit des courants progressistes et même proches du socialisme, comme la théologie de la libération qui a été influente en Amérique latine dans les années 1960 et 1970. Théologie quasiment marxiste, elle a incité des millions de personnes en Amérique latine à la résistance, à la rébellion voire à la révolution. Horrifié, le pape réactionnaire Benoît XVI (2005-2013) a tenté de l’éradiquer, renvoyant des prêtres et des professeurs.
Le pape François, récemment décédé, était partisan d’une théologie du peuple mettant l’accent sur les travailleurEs et les pauvres, les migrantEs, mais aussi les marginaux et les oppriméEs tels que les LGBT. Il semblerait que le nouveau pape Léon XIV suivra les traces de François.
Un pape anti-Trump ?
Robert Francis Prevost, né à Chicago en 1955, est diplômé de l’université catholique de Villanova en Pennsylvanie, de la Catholic Theological Union à Chicago et de l’université pontificale Saint-Thomas d’Aquin à Rome. De 1985 à 1999, il a été missionnaire au Pérou, et de 2014 à 2023, il est retourné au Pérou et est devenu citoyen péruvien. Il a été chef de l’ordre des Augustins et a occupé des postes importants dans la hiérarchie catholique.
Prévost a choisi le nom de Léon XIV, se plaçant ainsi dans la tradition de Léon XIII, pape de 1878 à 1903, qui, dans son encyclique Rerum Novarum (des choses nouvelles), s’est penché sur « la misère et le malheur qui pèsent si injustement sur la majorité de la classe ouvrière ». Léon XIII, tout en s’opposant au socialisme et en défendant le capitalisme, a reconnu la nécessité et le droit des travailleurEs à organiser des syndicats, faisant ainsi passer l’Église du Moyen Âge au monde moderne.
Trump et Vance ont tous deux félicité Léon XIV d’être devenu pape et ont félicité l’Amérique de l’avoir produit. Mais qu’arrivera-t-il aux électeurs de Trump si le pape s’oppose aux politiques racistes et xénophobes du président ? Le nouveau pape sera-t-il en mesure de faire changer certains esprits ? Les partisans de Trump sont critiques. Laura Loomer, une activiste d’extrême droite qui influence Trump, a déclaré que le nouveau pape était « anti-Trump, anti-Maga, pro-ouverture des frontières et un marxiste total comme le pape François ». Et elle n’a pas vraiment tort. Bien qu’il ne soit évidemment pas marxiste, les messages de Prevost sur les médias sociaux avant son élection indiquent qu’il est pour la protection des immigréEs, pour la réduction de la violence armée et pour la lutte contre le changement climatique.
Donald Trump va maintenant devoir partager la scène mondiale avec un autre dirigeant américain puissant : le pape Léon XIV qui sera un opposant sur de nombreux sujets.
Dan La Botz, traduction Henri Wilno