Lors des dernières élections, le leader du Parti conservateur, David Cameron, avait promis que s’il était élu, il organiserait un référendum sur le « Brexit », la sortie (ou pas) du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le débat divise très fortement la droite, mais il interroge aussi la gauche travailliste, ainsi que la gauche anticapitaliste et révolutionnaires sur le positionnement à prendre par rapport à la campagne qui s’annonce.
La campagne pour un vote Oui (pour rester dans l’Union européenne) sera largement dominée par les directions des deux principaux partis (conservateur et travailliste). Ceci reflète clairement l’avis du grand capital. Lors d’une enquête récente, trois quarts des grandes entreprises se sont prononcés en faveur du Oui et la grande majorité des membres des deux confédérations patronales le sont également.
Depuis longtemps, au sein du Parti conservateur, il existe une aile antieuropéenne composée en partie de petits réactionnaires, nationalistes et nostalgiques de l’empire. Mais c’est aussi aussi le reflets des intérêts d’une partie du capital, qui voit son avenir davantage lié au commerce à l’intérieur du pays ou avec d’autres parties du monde qu’avec l’Europe, dont les pays du Commonwealth.Et aujourd’hui, si Cameron a été obligé de promettre un référendum, c’est que, non seulement, l’aile eurosceptique de son parti s’est renforcée, mais qu’il se trouve aussi confronté à la montée fulgurante de UKIP (Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni). Avec 25 % aux élections européennes, ce parti attire une partie des électeurs du Parti conservateur, et pourrait menacer même sa cohésion avec un éventuel départ des eurosceptiques vers l’UKIP.Tout comme le grand capital britannique, la majorité des autres pays d’Europe semble favorable à ce que le Royaume-Uni reste. Les négociations récentes ont donc logiquement débouché sur un accord qui permet à Cameron de prétendre avoir arraché des concessions suffisantes pour justifier un appel à voter Oui. Mais ces « concessions » ne semblent pas avoir convaincu les eurosceptiques : les derniers sondages donnent 45 % pour la sortie de l’UE, 36 % pour y rester (20 % ne se prononçant pas).
Division chez les anticapitalistes...
En 1975, un référendum pour ratifier l’adhésion à la CEE (l’ancêtre de l’UE) avait donné 67 % pour, 33 % contre. à l’époque, l’ensemble de la gauche, à l’intérieur du Parti travailliste comme à l’extérieur, ainsi que dans les syndicats, était contre l’adhésion. Même si la campagne « contre » n’était parfois pas dénuée de relents nationalistes, globalement c’était un Non de gauche. Cette fois-ci, pratiquement toute la gauche politique et syndicale a rallié le Oui, y compris Jeremy Corbyn qui avait voté Non en 1975, le SNP en Écosse et le Parti des Verts.
La gauche anticapitaliste se trouve face à un dilemme. Appeler à voter Oui et être noyé parmi ceux qui défendent l’Europe néolibérale, l’Europe forteresse ? Voter Non et être noyé par une campagne encore plus nationaliste, raciste et réactionnaire ? Appeler à l’abstention et être encore plus inaudible ? Le Socialist Workers Party défend un vote Non, ainsi que le Socialist Party (CWI). Left Unity et Socialist Resistance sont pour le Oui. Les débats, assez complexes, tournent entre autres autour des conséquences que pourrait avoir le résultat du référendum sur le mouvement social ou de la meilleure façon faire avancer les idées de l’internationalisme, de l’antiracisme et d’une autre Europe. Enfin, quel serait l’impact de tel ou tel résultat sur les migrantEs d’autres pays de l’UE, et d’au-delà de l’Europe forteresse, sur les « acquis » de l’UE, ou sur les liens avec les mouvements sociaux et politiques radicaux du reste de l’Europe ?Des débats qui rejoignent les nôtres et qui sont loin d’être terminés.
Ross Harrold