Les violences continuent au Sahel. Alors que la junte au Mali, avec les mercenaires de Wagner, adopte une stratégie de guerre totale contre les djihadistes qui fait de nombreuses victimes parmi les civilEs, les gouvernements du Niger et du Burkina Faso esquissent un début de dialogue avec les groupes armés qui ne pourra être viable sans un engagement économique et social fort de la part de ces États.
La junte malienne ne cesse de parler de succès remportés par les militaires des Forces armées maliennes (FAMa) contre les différents groupes islamistes qui sévissent dans le pays. La réalité est hélas bien différente et dans les listes égrenées par les autorités, de terroristes mis hors d’état de nuire, figurent surtout beaucoup de civilEs.
La stratégie du tout militaire adoptée par la junte malienne reste un danger pour les populations et le drame des villages de Diallassagou, Dianweli et Deguessagou, où plus de 130 personnes ont été assassinées par les islamistes de la Katiba Macina du prédicateur Amadou Koufa, en est une tragique illustration.
La fuite en avant de l’armée malienne
Dans le centre du Mali les hommes d’Amadou Koufa contrôlent des régions entières, particulièrement celles de Mopti et Ségou. Ils imposent leur loi. Les villageois se doivent de respecter les préceptes imposés par les islamistes, les femmes doivent se voiler, les hommes porter la barbe, les habitantEs doivent s’acquitter de la zakat, une sorte d’impôt, et surtout ne doivent pas collaborer avec les forces militaires. Quand les FAMa sont intervenues, elles se sont servies de certains villageois comme guide dans leur confrontation avec les islamistes. Dit autrement, l’armée a imposé aux villageois de rompre leur pacte avec les islamistes, sans pour autant être capable d’assurer une protection des villages. Une fois les forces armées parties, les membre de la Katiba ont incendié les maisons, détruit les petits commerces et emmené les hommes à deux kilomètres de là pour les exécuter. Il s’agissait d’un massacre en représailles de la collaboration du village avec l’armée.
Mais ne pas collaborer avec l’armée, c’est risquer d’être accusé de complicité avec les islamistes et d’être victime d’exécutions sommaires comme ce fut le cas, fin mars, dans le village de Moura où plus de 300 personnes ont été froidement assassinées par les FAMa et les « instructeurs » russes du groupe Wagner.
Les civilEs subissent la guerre entre islamistes et armée malienne et en paient le prix fort. Les autorités gouvernementales ne mettent pas en première et impérieuse obligation la protection des civilEs. Mener une confrontation totale contre les groupes armés sans avoir la réelle possibilité de protéger les civilEs contre les actions de vengeance de ces groupes est une politique irresponsable. D’autant que les habitantEs ont déploré que l’armée malienne ne soit pas intervenue malgré les alertes.
Explorer les voies du dialogue
Si les autorités du Niger et du Burkina Faso continuent toujours, avec l’aide de l’armée française, à mener la guerre contre les djihadistes, elles ont décidé en parallèle d’entamer un dialogue. Pour les deux pays la méthode est à peu près similaire. Une action symbolique forte au niveau de l’État et des pourparlers au plus près des populations.
Au Burkina Faso, le colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, à la tête de la junte qui a pris le pouvoir, faisait une déclaration « à ses frères qui sont perdus ». Il a réitéré son idée que la stabilisation du pays ne peut pas être gagnée que par la guerre. Pour entamer des pourparlers, des comités locaux de dialogue pour la restauration de la paix ont été constitués. Ils sont regroupés à l’échelle nationale dans une coordination pilotée par Yéro Boly le ministre de la réconciliation nationale.
Au Niger, les autorités ont décidé elles aussi de modifier leur approche strictement sécuritaire. Le président Mohamed Bazoum a procédé en février à la libération de prisonniers accusés d’être des djihadistes sans qu’ils aient pour autant participé à des actions sanglantes, et les a reçus au palais présidentiel. Cette invitation s’accompagne aussi d’une mise en place de dialogues à l’échelle locale, menés par des responsables religieux, des chefs coutumiers et autres notables avec les responsables des Katibas.
Cette politique d’ouverture est relativement récente pour que l’on tire des bilans. Il est clair cependant que ces dialogues doivent s’accompagner de réponses au plan national, tant au niveau économique que social. Définir, avec le soutien de l’État, les modalités d’un vivre ensemble entre les différentes communautés, doit permettre de tarir les principales sources de recrutement des mouvement djihadistes.