Publié le Vendredi 7 novembre 2025 à 09h00.

Serbie : Le soulèvement après l’effondrement

Un an après l’effondrement de l’auvent de la gare de Novi Sad, qui a tué 16 personnes, le paysage politique serbe a été radicalement bouleversé par un mouvement social étudiant d’une intensité que le pays n’avait pas connue depuis des décennies. Une délégation de la 4 Internationale, composée de camarades de la GA (Gauche anticapitaliste, Belgique) et du NPA-A (Nouveau Parti Anticapitaliste, France), s’est rendue à la rencontre de militantEs politiques, syndicaux, associatifs et étudiants, pour y construire avec elleux des liens de solidarité et rapporter leur parole dans nos pays.

Violence, corruption, népotisme, nationalisme : ces mots ne suffiraient probablement pas à caractériser le régime policier du président serbe, Aleksandar Vučić, à la tête du pays depuis 2012. Son emprise sur les institutions et le patrimoine foncier du pays est tentaculaire. Pour obtenir un emploi de base dans bien des secteurs, ou même un simple logement, il est vivement recommandé de prendre sa carte au parti du pouvoir, le SNS (Parti progressiste serbe), et de participer à ses meetings propagandistes. Beaucoup de Serbes se considèrent « sous occupation ». Et elleux ne parlent pas seulement des ingérences impérialistes venant de l’Est comme de l’Ouest, qui ferment les yeux sur la réalité du régime.

Les étudiantEs, moteur de la résistance au régime

La catastrophe de Novi Sad, symptôme d’une corruption qui a dévasté l’infrastructure économique du pays, a agi comme un détonateur. Le corps enseignant, dépassant son corporatisme traditionnel, a initié un mouvement de grève. Il a été très vite rejoint, et massivement, par des étudiantEs des quatre coins du pays. OrganiséEs en assemblées qui appliquent des pratiques démocratiques strictes, ils et elles mettent sur pied de longues marches à travers tout le pays. De village en village, ils et elles sont accueilliEs par les habitantEs comme des héros. La majorité de la population a soutenu avec enthousiasme le mouvement de celles et ceux qu’elle appelle « nos enfants ».

L’un des symboles les plus marquants et émouvants a été la rencontre des étudiantEs de Novi Pazar, ville à majorité musulmane et bosniaque, avec les étudiantEs du reste du pays : une scène d’une force symbolique incroyable dans cette région d’Europe hantée par une guerre civile génocidaire. « C’est la première fois que je me suis senti citoyen serbe », dira un étudiant de Novi Pazar en arrivant à Belgrade.

Un mouvement sur la pente descendante qui tente la carte électorale

Depuis la rentrée, le mouvement peine à trouver un second souffle ; les blocages de facs se sont arrêtés presque partout. Absence de coordination politique ? Essoufflement du mouvement sur le temps long ? Convergence ratée avec le mouvement syndical ? Rapport conflictuel avec une opposition politique discréditée ? Intensification de la répression par le régime ? Blocage structurel lié à la position de la Serbie dans l’économie mondiale ? Les explications aux impasses actuelles sont multiples et témoignent de la richesse des débats stratégiques qui traversent la gauche serbe.

Pour trouver un débouché politique, le mouvement étudiant, réclamant le départ de Vučić et la tenue d’élections libres et démocratiques, a choisi de présenter une liste électorale indépendante. Une liste étudiante qui a engagé un travail programmatique et organisationnel d’ampleur, en lien avec le reste de la population et de la société civile. Certains sondages les créditent de plus de 45 % des intentions de vote. Le régime l’a bien compris, refusant toute élection anticipée et jouant à plein la carte du pourrissement et de la répression. Nous nous tiendrons à leur côté dans ce combat périlleux et leur ­adressons toute notre solidarité.

La délégation de la 4e Internationale en Serbie