En Suisse, la seule campagne de la gauche aura été celle de la droite... C’est par quelque vingt mille voix de différence que la majorité des votantEs en Suisse ont accepté un projet de loi proposant le « contingentement » de la population étrangère. Le socle réactionnaire traditionnel – les 30 % qui ont voté le même jour contre l’IVG – a été rejoint par une partie des couches populaires désorientées face la crise.
À la base de leur vote, on trouve la généralisation des politiques de sous-enchère salariale pratiquée par un patronat qui, fort d’une disponibilité de main-d’œuvre sans limite et de la capitulation préventive du mouvement syndical, peut tout se permettre.Au Tessin, par exemple, un canton périphérique souffrant d’un sous-développement régional marqué, l’exploitation sans limite d’une main-d’œuvre immigrée payée au lance-pierre exerce une pression constante et à la limite du supportable pour les couches populaires. C’est dans ce canton que la figure du « plombier polonais » d’autrefois prend les traits de « l’électricien de Reggio Emilia » payé à des tarifs qui sont ceux… de Reggio Emilia.
« Notre » prospérité ?Face à cette situation, la « gauche » – partis et syndicats – a été totalement incapable d’apporter ne serait-ce que des débuts de réponse. Elle s’est bornée à relayer le discours patronal expliquant à des centaines de milliers de salariéEs inquietEs pour leur pouvoir d’achat et leur place de travail « l’importance de l’immigration pour notre bien-être » et « la nécessaire ouverture à l’Europe, gage de notre prospérité ».Ce dernier aspect était essentiel pour le capitalisme helvétique, la remise en cause des accords avec l’UE pouvant signifier des restrictions pour son accès aux marchés européens. Sauf que si l’on pouvait demander aux salariéEs de faire des sacrifices à une époque où le capitalisme suisse voulait bien leur redistribuer quelques miettes, cela devient plus ardu lorsque ce sont des entreprises qui réalisent des bénéfices milliardaires, qui licencient et baissent les salaires.Face à cette situation, le silence de la « gôche » a été plus que coupable. En aucune occasion, elle n'a été capable de dénoncer le fait que ce sont les patrons qui baissent les salaires, que ce sont capitalistes qui licencient, que ce sont les propriétaires immobiliers qui augmentent les loyers, pas les immigrés.
Lutter plutôt que stigmatiserAinsi, c’est ce vide sidéral laissé par la soi-disant « gauche », qui a laissé la place au discours rassurant de l’UDC (très à droite), celui qui promet de rétablir les « protections » par les contrôles sur les flux migratoires à travers les contingents.C’est d’abord dans la construction d’une opposition sociale, de classe, internationaliste, que l’on combat la prégnance d’un discours nationaliste et xénophobe. Car la dénonciation abstraite du « racisme » finit inévitablement par se transformer en stigmatisation concrète de celles et ceux qui, par manque d’alternative et désespoir, ont pu accorder du crédit aux discours des xénophobes.Voilà une tâche... de longue haleine.
De Genève, Paolo Gilardi