Publié le Vendredi 30 octobre 2009 à 23h17.

Traité de Lisbonne : UN BOND VERS L’EUROPE DES INÉGALITÉS

Maintenant que le verrou irlandais a été levé, le Traité de Lisbonne devrait rentrer en application. Il aura des conséquences négatives sur la vie quotidienne des populations de l’Union européenne.

Après le «oui» irlandais, tout ce qui justifiait le rejet du Traité de Lisbonne qui n’était qu’un copier-coller du Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE) va devenir réalité. Les millions de femmes et d’hommes qui ont dit « non » à une Europe des inégalités vont, dans un contexte aggravé par la crise du capitalisme, devoir maintenant en subir les effets.

Il n’est pas inutile de rappeler ce qui attend celles et ceux qui ne vivent que de leur travail – quand ils en ont. Il n’est pas non plus inutile de garder en mémoire l’appui qu’ont apporté à ce traité, aux côtés de la droite, les socialistes et les Verts.

Laïcité

« L'héritage religieux » est défini comme la « source de la démocratie, de l*fÉtat de droit et des libertés fondamentales » ; l’Union européenne (UE) reconnaît les Églises, mais pas la laïcité (le mot et la chose sont absent des textes). L’Europe des Lumières s’obscurcit dangereusement. Les droits des femmes à peine conquis sont directement menacés. Le Vatican triomphe.

Démocratie

Si quelques dispositions renforcent le poids du Parlement européen, il reste largement un Parlement croupion : il n’est pas l’unique législateur et ses pouvoirs de contrôle sont limités (pas de séparation des pouvoirs) ; il ne peut pas proposer ses propres textes. Le monopole de l’initiative reste à la toute puissante Commission européenne qui peut s’opposer aux attentes du Parlement et du Conseil des ministres, tous deux pourtant issus du suffrage universel. Le citoyen peut changer, par le suffrage universel, son maire, son député, son gouvernement, mais il est totalement impuissant face à une Commission européenne qui n’est pas comptable de ses actes. Le traité ne modifie pas le caractère opaque de la Commission européenne plus que jamais aux ordres des lobbies de la finance et du business. Il consacre un défaut de démocratie qui, lorsqu’il se constate ailleurs, provoque les condamnations indignées de l’Union européenne.

Droits sociaux fondamentaux.

La Charte des droits fondamentaux traduit un terrible recul par rapport à la Déclaration universelle des droits de l’homme, au Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est en recul par rapport à la Charte sociale de Turin de 1961. Ni le droit à la santé, ni le droit au logement, ni le droit à un revenu minimum à une pension de retraite, à une allocation de chômage ni le droit à l’accès à un certain nombre de services (transports, poste, etc.), ni le droit à la sécurité sociale et à l’aide sociale, ne sont formellement garantis dans ce texte. Pire, ces droits, lorsqu’ils sont mis en œuvre dans certains États membres, sont désormais directement menacés.

Néolibéralisme des politiques européennes.

La disparition de la formule « concurrence libre et non faussée » ne change rien. Un article du traité rappelle le primat d’une « économie de marché ouverte où la concurrence est libre » et un protocole (même valeur que le traité) indique que « le marché intérieur comprend un système garantissant que la concurrence n*fest pas faussée ». La seule politique de l’UE, c’est de mettre en concurrence toutes les activités humaines. Angela Merkel l’a confirmé : en ce qui concerne le libéralisme des politiques, « rien ne va changer ». Ce texte rend impossible toute espoir d’Europe sociale.

Services publics.

L’UE ne protège pas les services publics. Ils sont soumis aux règles de la concurrence. En fait, « la liberté d*fétablissement et la liberté de circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services continuent de revêtir une importance capitale ». Le Traité de Lisbonne soumet comme jamais les services culturels, d’enseignement, de santé et sociaux à la logique du marché.

Mondialisation néolibérale.

Le texte renforce le poids des accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il renforce les pouvoirs de la Commission européenne pour négocier à l’OMC. Les pouvoirs du Comité 133 sont renforcés. Son opacité demeure. La mise en œuvre de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), dont l’objectif ultime est la privatisation de toutes les activités de services – nationales, régionales ou municipales – en sera facilitée.

Subordination de la majorité des 27 États à l’Otan.

Le traité décide l’adhésion de l’UE à l’Otan, une organisation qui n’est pas européenne et dont la direction se trouve à Washington. « L*fOtan reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l*finstance de sa mise en œuvre. » Les États se sont engagés à augmenter leur capacité militaire. Le traité met en place une Europe militaire, auxiliaire des gendarmes du monde.

« L*fEurope européenne fonctionne comme un leurre dissimulant l*fEurope euro-américaine qui se profile (Pierre Bourdieu) »

Raoul M. Jennar