Publié le Mercredi 19 février 2025 à 12h00.

Trump-Poutine concluent leur marché sur le dos des peuples

De la Palestine à l’Ukraine, la « paix » que Donald Trump veut incarner avec son MAGA (Make America Great Again) est une création destructrice de droits qui ne peut s’embarrasser de peuples.

Les négociations qui ont un sens dans cet univers-là se déroulent entre « hommes forts » qui cherchent à privatiser le plus grand territoire et pouvoir d’État possible et qui s’appuient sur les extrêmes droites fascisantes des divers continents pour déconstruire les résistances progressistes passées et présentes. Les critères privilégiés sans vergogne sont ceux du business appuyé sur une logique d’État néocolonial. 

La guerre, un prolongement du commerce et vice versa

Ainsi Trump a annoncé vouloir prendre « possession » de la bande de Gaza et « se débarrasser des bâtiments détruits » afin de développer économiquement le territoire. Pour cela, il conviendrait, selon lui, d’en « déplacer » ses 2,4 millions d’habitantEs vers l’Égypte et la Jordanie afin de faire du territoire palestinien une « Côte d’Azur ». Immonde. 

Le président étatsunien répète à l’envi qu’il veut « récupérer l’argent » versé à l’Ukraine depuis l’invasion russe — et pourrait conditionner d’autres aides à la possibilité d’exploiter ses ressources. Mais voilà ! L’Ukraine résistante existe encore. La soumission de l’Ukraine est plus difficile à imposer en dépit de ses dépendances envers des aides vitales. Volodymyr Zelensky cherche à faciliter l’accès des capitaux étrangers aux ressources humaines et matérielles du pays pour tenter désespérément d’obtenir le maintien d’une aide étatsunienne, en faisant miroiter vers Trump depuis des mois la possibilité d’exploiter des minerais et terres rares d’Ukraine. Mais le président ukrainien a annoncé, en marge de la conférence sur la sécurité à Munich, qu’il n’a pas à ce stade autorisé les ministres à signer un accord sur ce plan, parce qu’à son avis « il ne nous protège pas ». Autrement dit, il ne comporte pas pour l’Ukraine de « garanties de sécurité ».

La mort de l’Otan ?

Jusqu’alors, celles-ci étaient associées en Ukraine, comme dans les pays limitrophes de la Russie — à l’adhésion à l’Otan, dont le fameux article 5 était censé signifier qu’une attaque contre un membre impliquait la solidarité des autres : derrière « l’Otan », c’était la protection des États-Unis contre la Russie qui était recherchée. À la veille de l’invasion russe de février 2022, Macron soulignait que l’Otan était « en mort cérébrale », contredisant la thèse d’une « menace » de l’Otan contre la Russie. Bien que Poutine ait exploité cette thèse, l’audace de l’« Opération militaire spéciale » lancée il y a trois ans jusqu’à Kyiv, misait en fait sur cette « mort cérébrale ». Elle prenait aussi en compte l’explicite réponse de Biden aux demandes d’aide de Zelensky, rappelant que les États-Unis n’enverraient pas de troupes pour défendre un pays non membre de l’Otan.

Quoi qu’il en soit, les choix de Trump imposent de mettre les pendules à l’heure : il s’agit, dit-il, d’une « guerre européenne » — et que l’Ukraine appartienne ou pas au « monde russe » de Poutine lui importe peu. D’une mort « cérébrale », on tend vers une mort tout court de l’Otan. Mais ce n’est évidemment pas la fin des politiques et industries d’armement, dont les bons services sont offerts aux achats des Européens qui voudraient construire leur propre défense. Mais Trump préfère « la paix » pour ses affaires. Avec ses émissaires, il cherche surtout à renouer de bons rapports avec la Russie poutinienne pour gérer avec elle — sans l’Ukraine et sans les Européens — un partage de sphères d’influence.

Construire les liens internationalistes

L’arrogance du long échange téléphonique entre Trump et Poutine se prolonge avec le projet de rencontre entre les présidents en Arabie saoudite. Pendant ce temps, face à la fragmentation de l’UE, Macron a du mal à faire avancer son agenda européen appuyé sur l’industrie d’armement française. Le nouveau contexte est davantage marqué par le discours de Volodymyr Zelensky prononcé à Munich : « Trois années de guerre à grande échelle ont prouvé que nous disposons déjà des fondements pour une force militaire européenne unifiée. Et maintenant, alors que nous menons cette guerre et que nous jetons les bases de la paix et de la sécurité, nous devons construire les Forces armées de l’Europe. Pour que l’avenir de l’Europe ne dépende que des Européens, et que les décisions concernant l’Europe soient prises en Europe »

Avec la gauche ukrainienne1, il revient aux gauches européennes de construire leur propre agenda politique et social et des liens internationalistes par en bas face aux guerres et pseudo-paix sur le dos des peuples.

Catherine Samary

 

  • 1. Lire l’article d’Oleksandr Kyselov page 5 et les dossiers de l’ENSU en soutien à l’Ukraine résistante.