Publié le Jeudi 30 janvier 2014 à 08h47.

Ukraine : une situation incontrôlée

Le pouvoir ukrainien oscille entre répression, voire état d’urgence, et ouvertures à son opposition, personne ne contrôlant la situation. Une réunion extraordinaire du Parlement est convoquée pour le mardi 28 janvier, confrontée à deux questions : le rôle croissant des groupes néo-fascistes et l’évolution incertaine des mobilisations populaires.

Après plusieurs jours de violences, faisant officiellement trois morts et six selon d’autres sources, la mobilisation a marqué le pas le dimanche 25 à Kiev, malgré les espoirs de l’opposition. Symbole d’hésitations du pouvoir, les forces de l’ordre y ont laissé quelques manifestants occuper le ministère de la Justice, sans affrontement, tranchant avec la guérilla urbaine qui avaient marqué Kiev la semaine passée.Par contre, la mobilisation s’est étendue à l’ouest et au centre du pays où les sièges du pouvoir ont été pris d’assaut, notamment en Galicie (bastion de l’organisation néo-fasciste Svoboda/Liberté). À Donetsk, fief de Viktor Ianoukovitch, dans le bassin minier du Donbass (russophone), des « milices populaires » se seraient formées en prévision de l’arrivée des commandos néonazis de « Pravyi Sektor » (« ligne droite ») qui ont déjà organisé l’assaut de l’administration régionale à Zaporozhe (Est), comme ils l’ont fait ailleurs, en affirmant l’objectif de « prendre le pouvoir » contre toute négociation.

Entre négociations et état d’urgenceLe Parti des régions (environ 30 % aux élections législatives d’octobre 2012) semble partagé entre ceux qui poussent aux négociations politiques contestant les lois répressives votées à la va-vite le 16 janvier et ceux qui reprochent au pouvoir d’être trop laxiste et suggèrent un état d’urgence. Partie prenante de la coalition majoritaire, le Parti communiste ukrainien (percée de 13 % de voix) s’est confronté au Parti du président en appelant à un référendum sur les choix internationaux (1).Le président Ianoukovitch vient de proposer à son opposition la mise en place d’un groupe travaillant sur la Constitution et des responsabilités gouvernementales majeures : il a offert un poste de Premier ministre à Arseni Iastseniouk, chef de file du parti libéral de Ioulia Timochenko (Patrie – 25,44 % des sièges). Sensible à l’offre, celui-ci a néanmoins précisé, sous pression des manifestants, qu’il ne prendrait de responsabilités qu’à la condition d’obtenir des révisions constitutionnelles, des élections anticipées et la sortie de prison de Ioulia Timochenko. Celle-ci voit d’un mauvais œil la montée en popularité de l’ancien boxeur Vitali Klitschko auquel vient d’être offert un poste de vice-­Premier ministre qu’il a rejetée comme « dépassée ». Dirigeant de centre droit (dont Udar, l’acronyme du parti en ukrainien, veut dire  « le coup », environ 13 % des sièges), il est chouchouté par Angela Merkel.

Des courants néo-nazis à l’offensiveCes deux partis d’opposition ont été jusqu’alors associés comme « pro-européens » avec le parti Liberté/Svoboda néo-fasciste (10 % de voix) dirigé par Oleh Tiahnibok, dominant en Galicie (40 % de voix). Lié à Jobbik en Hongrie et au Front national en France, attractif chez les jeunes, son nationalisme spécifique l’amène à célébrer les sinistres bataillons SS de Galicie en opposant l’Ukraine « européenne » à la Russie « asiatique » par ailleurs assimilée au bolchevisme/stalinisme dans un violent anti-communisme.Il semble actuellement lui-même débordé aussi sur sa droite à Maidan, et jusque dans ses fiefs de Galicie, par des groupes néo-nazis comme « Pravyi Sektor » (Ligne droite). Ultra-nationalistes, les militants de celui-ci (évalués entre un millier et... cent mille selon les sources) sont à la fois hostiles à la Russie et à l’UE dénoncée comme « oppresseur des nations européennes ». Ils rejettent tous les partis d’opposition parlementaire, y compris Svoboda considéré comme « conformiste », en prônant une action directe de « prise du pouvoir » qui a fait l’objet le 21 janvier d’un reportage de la BBC (2). Ils miseraient sur le ralliement de certaines parties de l’armée et de la police.Dans un contexte économique et social explosif (3) où les partis sont discrédités, il est difficile de mesurer l’impact de ces « actions directes ».

Catherine Samary

1 – http://herault.pcf.fr/479632 – http://www.bbc.co.uk/news/world-europe-25826238 cité par l’article de Volodymyr Ishchenko publié dans The Guardian du 22 janvier et évoqué sur le site LeftEast http ://www.criticatac.ro/lefteast/9533 – http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article30938