Publié le Mercredi 6 novembre 2024 à 09h00.

Un peuple divisé, un vote incertain

À l’heure où j’écris ces lignes, le 3 novembre, deux jours avant l’élection présidentielle aux États-Unis, le pays est divisé comme il ne l’a jamais été depuis la guerre de Sécession (1861-1865)

Et plus que jamais, le contraste entre les deux grands partis est saisissant, les démocrates restant un parti politique traditionnel du capitalisme américain et de la démocratie bourgeoise, tandis que le Parti républicain, sous la houlette du candidat Donald Trump, s’est transformé en un parti d’extrême droite basé sur des Blancs qui en veulent aux Noirs et aux Latinos, des hommes qui en veulent aux femmes, et des chrétiens évangéliques qui attendent l’Armageddon (l’ultime combat entre les forces du bien et du mal selon la Bible), un parti truffé de fascistes et de bandes d’hommes armés.

Après des mois d’un été qui semblait perpétuel, accompagné d’incendies de forêts et d’ouragans, témoins de la catastrophe climatique, et d’un Halloween chaud partout, l’automne est enfin arrivé. Quarante-sept des cinquante États américains autorisent le vote anticipé et cinquante-cinq millions d’AméricainEs, sur les 161,4 millions d’électeurEs inscrits, ont déjà voté par anticipation. J’ai voté hier à Brooklyn.

Sept États qui font basculer l’élection

Les intentions de vote sont trop resserrées pour faire des prévisions. L’électorat s’est déplacé, même si, comme d’habitude, il est divisé géographiquement. La côte Pacifique (Californie, Oregon et État de Washington) est bleue, la couleur des démocrates, tout comme la majeure partie du Nord-Est (New York, New Jersey, Massachusetts, Connecticut, Vermont et Rhode Island), mais le Midwest et la majeure partie du Sud sont rouges, républicains. Comme lors de la dernière élection présidentielle, l’issue du scrutin dépend de sept « swing-states » (États en balance) disséminés dans le pays : Arizona, Nevada, Wisconsin, Michigan, Pennsylvanie, Géorgie et Caroline du Nord.

L’électorat est divisé en fonction du sexe, du niveau d’éducation et de la race, chaque candidatE réalisant des gains auprès de groupes particuliers. Kamala Harris, qui défend le droit des femmes à l’avortement, a une avance de 11 points chez les femmes, tandis que Trump, qui dénigre les femmes dans chacun de ses discours, a une avance de 10 points chez les hommes. Comme d’habitude, les républicains ont le soutien d’environ 60 % des Blancs, tandis que les démocrates n’en ont qu’environ 40 %. La grande majorité des électeurEs noirEs soutiennent toujours les démocrates, mais les républicains ont progressé parmi les NoirEs, en particulier les hommes, et pourraient désormais obtenir environ 15 % du vote noir. Les démocrates obtiendront également la majorité des votes latinos, mais là encore, Trump a progressé et pourrait obtenir 35 % de leurs voix. Les Asiatiques et les habitantEs des îles du Pacifique, qui représentent 3 % à 9 % de l’électorat dans les « swing states », votent généralement pour les démocrates, mais les républicains ont également fait quelques percées parmi eux. 

Les personnes âgées sont à peu près également divisées. Les républicains remportent généralement ce groupe avec quelques points d’avance, mais Harris pourrait faire quelques progrès. Les républicains obtiennent généralement plus de 60 % du vote rural, mais les démocrates reçoivent à peu près le même pourcentage de voix des banlieues. 

La base électorale de Trump

Bien que totalement pro-­capitaliste, Trump a réussi à capter une partie du vote des travailleurEs qui ont subi les conséquences des politiques néolibérales et de l’inflation et ont vu les profits des grandes entreprises exploser.

Un nouveau fossé s’est aussi creusé entre les électeurEs : celui de l’éducation. Parmi les électeurEs blancs qui n’ont pas fait d’études supérieures, Trump pourrait remporter environ 60 % des suffrages, tandis que Harris pourrait en gagner moins de 40 %. Selon certains analystes, ces électeurEs sont les laissés-pour-compte de la société post-­industrielle et de haute technologie, et ils ne détiennent qu’un cinquième de la richesse de celleux qui ont fait des études supérieures. Trump a réussi à les séduire, en particulier les hommes.

Les jeunes, la politique et le soutien aux PalestinienNEs

La plupart des jeunes ne votent pas. Seule la moitié des jeunes sont inscrits sur les listes électorales et, lors des dernières élections nationales de 2022, seuls 25 % d’entre eux ont voté. Les jeunes femmes sont les plus susceptibles de voter pour Harris en raison de leurs préoccupations concernant le droit à l’avortement.

Comme la plupart des samedis, après avoir voté, ma femme et moi nous sommes rendus à pied au marché des producteurs. Là, un groupe de PalestinienNEs, de pacifistes et de gauchistes criaient : « Ne votez pas pour le génocide », certains appelant à voter pour Jill Stein du parti vert. Peu de gens se sont arrêtés pour écouter. Pourtant, Jill Stein pourrait remporter de nombreux suffrages dans le Michigan (où vit une forte minorité d’origine arabe), suffisamment pour que Harris soit battue et faire basculer l’État en faveur de Trump. Nous ne connaîtrons pas les résultats avant plusieurs jours. Je présenterai les résultats et les perspectives la semaine prochaine.

Dan La Botz,
traduction Henri Wilno