Publié le Mercredi 15 juin 2022 à 18h00.

Une commission de la Chambre des représentants affirme que Trump était au centre de la tentative de coup d’État

Pour la première fois, une instance officielle étatsunienne a accusé l’ancien président Donald Trump d’avoir été le responsable d’une tentative de coup d’État.

Le président du comité restreint de la Chambre des représentants chargé d’enquêter sur l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole américain à Washington, le démocrate Bennie Thompson, a déclaré que « Donald Trump était au centre de cette conspiration. » Il a ajouté : « Deux siècles et demi de démocratie constitutionnelle sont en danger. »

Conspiration séditieuse

Les révélations de l’audition par la commission représentent un jalon dans l’histoire étatsunienne. Seul le scandale du Watergate de l’ancien président Richard Nixon, impliquant l’intrusion de ses agents au siège du Parti démocrate et d’autres coups bas pour remporter l’élection présidentielle de 1974, s’en approche. Et lorsqu’il a été menacé de destitution, Nixon a démissionné.

Nous avons maintenant un président accusé de conspiration séditieuse et d’organisation d’un coup d’État, la première tentative d’interruption du transfert pacifique du pouvoir depuis 246 ans. Alors que les médias avaient déjà avancé cette thèse et que de nombreuses personnes à gauche pensaient que Trump était responsable de l’insurrection du 6 janvier, aucun organe gouvernemental ne l’avait dit auparavant. L’audition de la Chambre, la première des cinq qui seront diffusées, met une pression énorme sur le procureur général Merrick Garland et le ministère de la Justice pour qu’ils inculpent Trump, qui dirige toujours le Parti républicain et s’est déclaré candidat à l’élection présidentielle de 2024. Garland a déclaré : « Nous suivrons les faits où qu’ils mènent », mais il semble hésiter à inculper Trump.

La retransmission télévisée de deux heures diffusée par toutes les grandes chaînes, à l’exception de Fox News (droite) et regardée par vingt millions de personnes, comprenait des vidéos de l’attaque violente du Capitole et des témoignages enregistrés et en direct, montrant clairement que les événements du 6 janvier n’étaient pas une manifestation de protestation pacifique qui aurait dégénéré, mais une attaque planifiée. Fox News, qui soutient l’ancien président Trump, a diffusé sans interruption publicitaire pendant une heure le commentateur de droite Tucker Carlson, qui a qualifié les audiences de la Chambre de « mensonges ».

Que peut-il se passer maintenant ?

Le Parti républicain s’est opposé à la tenue des auditions et seuls deux représentants républicains du Congrès, Liz Cheney et Adam Kinzinger, ont participé à la commission. Les Républicains ont ensuite voté l’exclusion de Cheney de la direction du parti. Tant Cheney que Kinzinger sont considérés par Trump et ses partisans comme des traîtres.

Que peut-il se passer maintenant ? Le problème politique est que plus de 40 % des AméricainEs ont été convaincus par le « gros mensonge » de Trump, à savoir qu’il a gagné les élections, même si tous les tribunaux se sont prononcés contre les contestations électorales que l’ancien président a soulevées. Il est peu probable que ces personnes changent d’avis après les auditions.

Donc, une question se pose : que se passera-t-il si le ministère de la Justice inculpe Trump et qu’il passe en jugement ? Certains libéraux craignent que la mise en accusation de l’ancien président soit, dans le climat actuel, inévitablement perçue comme une persécution partisane de Trump. Si Trump est jugé, affirment-ils, cela pourrait à la fois diviser davantage le pays et inciter ses partisans à des actions plus violentes. D’un autre côté, de nombreux progressistes estiment que Trump devrait être mis en examen. Certains démocrates craignent que si le ministère de la Justice n’inculpe pas Trump, Biden continuera à être perçu comme faible et inefficace, ainsi qu’irresponsable. L’extrême gauche est trop petite pour avoir un quelconque impact sur ces débats, et n’a pas dit grand-chose à leur sujet.

Il ne semble pas que ces auditions auront beaucoup d’impact sur les élections de mi-mandat de novembre 2022 à la Chambre des représentants et au Sénat que les Républicains devraient remporter, ce qui leur donnerait le contrôle des deux chambres du Congrès et le pouvoir de mettre fin à l’enquête de la Chambre des représentants dès le 6 janvier. Trump, qui dirige toujours le Parti républicain et se présentera à la présidence en 2024, pourrait l’emporter. Tout cela rend la décision du procureur général critique mais, en fait, même une inculpation et une condamnation n’empêcheraient sans doute pas Trump de se présenter à la présidence. Pour lui barrer la route, il faudrait qu’il y ait un changement dans l’esprit de la population.

Traduction Henri Wilno