Les primaires dans la course à l’investiture pour l’élection présidentielle de 2016 ont commencé en bousculant les prévisions des sondages, d’abord dans l'Iowa, un État de trois millions d’habitants qui compte pour 1 % des délégués nécessaires pour remporter la nomination, puis dans le petit État du New Hampshire...
Trump prend une claque puis sa revanche
Dans l’Iowa, après avoir paradé dans les sondages depuis l'été et joué des provocations cyniques et agressives, Donald Trump s’est retrouvé en deuxième position (24,3 %) dans le camp Républicain derrière le sénateur texan Ted Cruz (27,7 %). « Il a tué le géant », affirmait le New York Times. « La gloire en revient à Dieu », a répondu Cruz, le pieu candidat des évangélistes. Mais Dieu se retourne facilement, et la semaine suivante, dans le New Hampshire, Cruz s’est retrouvé troisième derrière John Kasich, alors que Trump, premier, prenait sa revanche. Sur le fond, au-delà des ambitions rivales, les deux candidats comme leur suivant Marco Rubio, sont tout aussi réactionnaires. Ils ont tous le même fonds de commerce : la nostalgie de la grande Amérique, le racisme et l’immigration, le terrorisme et l’État islamique, contre l’Obamacare, le système de protection de santé... Ils flattent les mêmes rancœurs et les mêmes préjugés.
Bernie ou l'heureuse surprise
Cette offensive réactionnaire met en relief la surprise provoquée par Bernie Sanders qui réussit d’abord dans Iowa, selon sa propre expression, « un quasi-match nul » avec l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton, pour l’investiture démocrate, sans qu'il soit réellement possible de dire qui avait gagné. Puis, il gagne largement le deuxième round, avec 59 % des suffrages, contre 39 % pour Hilary Clinton.
Il se dit « socialiste », est accusé par les Républicains de s'être livré à un « un show de clown » et vient opportunément bousculé tant le déballage réactionnaire de ces derniers que la campagne de la machine Clinton, « la plus puissante organisation politique des États-Unis ».
Né dans une famille juive de Brooklyn à New York, Bernie Sanders a milité contre la guerre du Vietnam. Il est élu représentant du Vermont à la Chambre de représentants, en 1990, puis en 2006, il devient sénateur, un siège qu’il occupe toujours. Candidat indépendant il s'affilie cependant au groupe démocrate, ce qui signifie qu’il suit le vote démocrate sur la plupart des textes de lois. Il est opposé aux interventions en Irak, en 1991 comme en 2002. Il est opposé au Patriot Act, aux coupes budgétaires et baisses d’impôt qui affectent démesurément les plus démunis, et se fait l'avocat de la transition énergétique. Après l’élection de Barack Obama en 2008, Sanders défend la réforme de l’assurance santé, militant pour un système entièrement géré par l’État... Il axe sa campagne sur la dénonciation des inégalités, plaide pour une augmentation de l’impôt sur les hauts revenus, pour doubler le salaire minimum afin qu’il atteigne au moins 15 dollars de l’heure, un contrôle du secteur bancaire, la lutte contre l’évasion fiscale, des investissements dans l’éducation, et l’allègement de la dette étudiante ou un nouveau programme de grands travaux...
Les paroles et les actes
De toute évidence, le discours de Sanders rencontre un large écho, en particulier dans une fraction de la jeunesse, qui s'exprime dans les votes, mais aussi et surtout dans l'affluence à ses meetings. De tous les candidats, il est celui qui attirent le plus de monde. Il exprime à sa façon les sentiments, la révolte, les aspirations des 99 % contre le 1 %, les revendications qui se sont formulées à travers le mouvement Occupy Wall Street et les grèves de ces dernières années. Il est l'expression d'une volonté largement partagé de « mettre fin à l’oligarchie » qui domine la politique comme elle domine toute la société.
Mais son discours perd de la crédibilité quand on sait que dans 98 % des cas, au Sénat, il a voté avec les Démocrates, en particulier sur les questions budgétaires ou de sécurité. Sanders est bien incapable de réaliser ne serait-ce que son propre programme, mais sa campagne en rompant le consensus autour du big business peut contribuer à mobiliser la classe ouvrière et les classes populaires. Cela à condition qu'en relevant la tête, celles-ci soient à même de prendre leur sort en main pour en finir avec Wall Street et ses serviteurs, qu'ils soient Démocrates ou Républicains...
La seule voie pour que le socialisme, cette idée neuve aux USA, prenne corps...
Yvan Lemaitre