Mardi 1er mars avait lieu le Super Tuesday, jour où 12 États sont appelés à voter pour la primaire de la présidentielle du 8 novembre 2016.
Hillary Clinton chez les Démocrates et Donald Trump dans le camp républicain sont sortis en tête sans pour autant écarter leurs rivaux. La grande foire politique bat son plein.
« Make America great again ! »
« Rendons sa grandeur à l’Amérique ! » : le mot d’ordre de Donald Trump rencontre un large écho et ce dernier semble devoir réussir son OPA sur le Parti républicain. Il flatte les nostalgies réactionnaires, le nationalisme et la rupture entre l’establishment et les électeurs républicains à coup de promesses démagogiques : déporter des millions d’immigrés illégaux, dresser un mur le long de la frontière mexicaine, interdire le sol américain aux musulmans, légaliser la torture… Il promet aux blacks et aux latinos « des millions d’emplois ici en faisant en sorte par exemple qu’Apple fabrique ses iPhones en Amérique, pas en Chine ». Trump fait du racisme un lieu commun au point d’afficher sa tolérance à l’égard du Ku Klux Klan.
Rien ne semble pouvoir arrêter sa progression tant l’establishment est déconsidéré, et surtout tant les déceptions et frustrations sociales sont grandes. Son principal concurrent Ted Cruz, soutenu par les évangélistes, tient le même discours avec moins de provocation. En remportant le Kansas et le Maine, il peut prétendre rester dans la course. Mais il est peu probable que ses rivaux se retirent pour faire bloc au nom du « tout sauf Trump »...
Hillary Clinton, la gagnante ?
Battu lors du Super Tuesday, Sanders, en remportant deux victoires, dans le Kansas et le Nebraska, continue de bousculer le jeu au sein des Démocrates, même si la dynamique qu’il suscite en particulier dans la jeunesse ne suffira pas à lui permettre de contester la suprématie du clan Clinton. Hillary Clinton bénéficie du soutien total de la machine démocrate grâce au système des super délégués, 712 délégués qui ne sont pas désignés au fil des primaires mais qui ont d’office le droit d’apporter leur soutien à l’un des candidats en leur qualité d’élus (gouverneurs, représentants à la Chambre, sénateurs, ou encore le président et le vice-président). La plupart d’entre eux se sont ralliés à Clinton, qui bénéficie aussi du clientélisme que les Démocrates entretiennent au sein des communautés noires ou hispaniques ainsi que sur le vote des femmes.
La campagne de Sanders dénonce Wall Street, et popularise des revendications élémentaires, comme le salaire minimum, la gratuité de l’éducation dans les universités d’État ou les collèges, un programme national de soins pour tous (Medicare for all)… Cela lui vaut une grande popularité au sein d’une fraction de la classe ouvrière et auprès des jeunes, même si sa contestation se limite aux excès les plus insupportables du système et contribue en fait à ramener au vote démocrate une large fraction de la jeunesse écœurée par l’affairisme soumis à Wall Street que symbolise le clan Clinton. Il s’est engagé par avance à faire campagne pour Clinton si celle-ci est candidate à l’issue des primaires, et le débat entre les deux candidats, à Flint, ville sinistrée dont l’eau est gravement polluée au plomb, a été le symbole de cette alliance.
Un encouragement à la contestation ?
Si les propositions de Sanders apparaissent radicales, c’est bien parce que les deux partis sont totalement soumis à la finance, loin des préoccupations des classes populaires dont la situation ne cesse de se dégrader. Les salaires stagnent depuis 1973, et le krach financier de 2008 et la récession qui l’a suivi ont frappé durement les travailleurs, surtout les Noirs et les Latinos. La pauvreté et le nombre de sans-abri ont augmenté, de larges secteurs de la classe moyenne ont été ruinés, et la dette des étudiants se monte à un millier de milliards de dollars…
C’est, pour une part, ce mécontentement qui s’exprime à travers le succès de Sanders, dans le même temps que le désespoir crée un terrain favorable aux préjugés réactionnaires dont Le milliardaire Trump a fait son fonds de commerce.
Si le jeu des appareils et des lobbies semblent devoir porter Hillary Clinton à la présidence, l’essentiel n’est pas là mais bien que les travailleurs et la jeunesse aillent jusqu’au bout de leur colère et de leur révolte pour se donner un instrument pour faire entendre leur voix et défendre leurs intérêts : leur propre parti.
Yvan Lemaitre