Juan Guaidó, président de l’Assemblée nationale vénézuélienne, s’est autoproclamé président de la République, fonction pourtant occupée par Nicolás Maduro.
Cette tentative de putsch bénéficie du soutien des États-Unis, des pays de la droite et de l’extrême droite latino-américaine et d’Emmanuel Macron, toujours au rendez-vous lorsqu’il faut soutenir les possédants, où que ce soit dans le monde.
Une tentative de coup d’État
Le mercredi 23 janvier 2019, Juan Guaidó, l’une des figures de l’opposition à Nicolás Maduro et président de l’Assemblée nationale (dépossédée de ses prérogatives par l’exécutif), s’est autoproclamé devant des milliers de personnes venues le soutenir « président en exercice » de la République du Venezuela, promettant « un gouvernement de transition et des élections libres ». Ceci au moment où Maduro initie son second mandat, suite à sa réélection en mai dernier avec 67,9 % des suffrages exprimés malgré une abstention record (54 %) et de nombreuses irrégularités (manipulation de la date du scrutin en fonction des opportunités, invalidation de plusieurs candidatures, vote sous la menace de suspension des programmes sociaux ou de licenciement dans le secteur public…).
Guaidó, jeune dirigeant de l’opposition et membre fondateur du parti « Volonté populaire » se place dans la stratégie du coup d’État et prétend ainsi provoquer une situation qui pourrait ouvrir la porte à une intervention militaire (directe ou indirecte) des États-Unis et de ses alliés. Cette manœuvre est directement en lien avec la campagne ouverte par le vice-président des États-Unis, Mike Pence, et fait suite à un soulèvement de plusieurs dizaines de membres de la Garde nationale bolivarienne (police militaire), rébellion rapidement maîtrisée par les forces armées, qui restent fidèles à Maduro.
Soutien de l’impérialisme US et de ses alliés
Donald Trump a immédiatement salué et reconnu le président autoproclamé, comme plusieurs pays alliés du groupe de Lima dont le Canada mais aussi la sainte alliance des gouvernements de la droite et de l’extrême droite latino-américaine : le Chili, le Pérou, la Colombie, le Honduras, le Paraguay ou encore le Brésil dirigé par Jair Bolsonaro, des exécutifs qui pour plusieurs d’entre eux ne respectent pas plus les libertés démocratiques. L’impérialisme étatsunien ne cache pas, depuis des mois, que « toutes les options sont sur la table » concernant le Venezuela. Maduro a annoncé que son pays rompait ses relations diplomatiques avec « le gouvernement impérialiste des États-Unis », donnant 72 heures à ses diplomates pour quitter le pays. En réponse, le Département d’État a affirmé qu’il « ne considère pas que l’ancien président Nicolas Maduro a l’autorité légale pour rompre les relations diplomatiques avec les États-Unis ». Emmanuel Macron, Angela Merkel et Pedro Sánchez s’alignent sur cette stratégie putschiste et ont déclaré reconnaître Guaidó comme président du Venezuela si des élections n’étaient pas convoquées sous huit jours.
Le chaos ne fait donc que s’accentuer, alors que les affrontements de rue entre partisans de Guaidó et soutiens à Maduro se multiplient et ont déjà coûté la vie à une vingtaine de personnes. Malgré l’appui étatsunien, l’opposition vénézuélienne reste divisée, même si les secteurs réactionnaires ou néolibéraux semblent désormais prêts à renouveler les tentatives de coup d’État (comme ils l’avaient fait en 2002 contre Chávez). Le gouvernement quant à lui essaye de remobiliser sa base au nom de la lutte anti-impérialiste, alors que plusieurs millions de VénézuélienEs votent « avec leurs pieds » en quittant massivement le pays et que l’effondrement du pays s’accélère. Nicolás Maduro est le principal responsable de cette crise économique majeure, mais ce n’est certainement pas les fractions les plus radicales de la droite qui pourront améliorer les conditions de vie des classes populaires vénézuéliennes.
Ni un coup d’État soutenu par les États-Unis, ni le durcissement du régime autoritaire de Maduro, ni la menace latente de guerre civile ne peuvent signifier une alternative démocratique au drame que vivent les vénézuélienEs. Ainsi que le suggèrent des organisations comme Marea Socialista, un programme minimum de sortie de crise, anti-impérialiste et indépendant de Maduro tout comme de l’opposition néolibérale, devrait notamment commencer par suspendre le paiement de la dette extérieure, exproprier les biens des patrons et fonctionnaires corrompus, proposer un plan d’urgence sur les salaires et de contrôle des prix. Une telle perspective ne pourrait voir le jour que si elle est accompagnée d’un profond renouvellement démocratique du système institutionnel et de la reconquête de l’autonomie politique des travailleurEs et des secteurs populaires.
Franck Gaudichaud et Pedro Huarcaya