Le gouvernement menace d’une sévère répression. Le mouvement démocratique appelle à l’extension de la mobilisation. Le 25 novembre s’annonçait comme une première date clé.
L’oligarchie militaro-monarchiste qui contrôle les institutions thaïlandaises aimerait bien mettre un terme définitif aux mobilisations pro-démocratie. Las, les journées des 17-18 novembre ont montré qu’il n’était pas si facile de le faire. La confrontation à Bangkok entre forces de police et activistes a duré près de six heures. Malgré les puissants canons à eau (colorés et comprenant des produits chimiques irritants), les blindés anti-émeutes, les lacrymogènes, les barbelés, la présence de Chemises jaunes et autres milices d’ultra-monarchistes armées, et au prix d’au moins 55 blesséEs (dont six par balles), les manifestantEs ont percé les barrages et ont pu se rassembler devant le Parlement (les forces de l’ordre se repliant derrière ses grilles).
Le retour du Roi
Signe des temps, de jeunes moines ont formé le « Groupe réforme nouvelle religion » qui réclame la séparation de l’Église et de l’État et l’arrêt de l’implication de la religion dans des activités économiques à but lucratif. Il défie ainsi l’autorité officielle du clergé bouddhiste qui forme le troisième pilier de l’ordre conservateur en Thaïlande, avec la famille royale et l’armée.
Face à l’évolution de la situation et au scandale provoqué en Allemagne par son action, le roi absentéiste Rama X et la reine ont quitté leur résidence en Bavière pour revenir durablement, semble-t-il, à Bangkok. Le recours au redoutable « crime » de lèse-majesté n’avait pas été utilisé depuis un certain temps. Le Premier ministre, le général Prayuth, a annoncé le 19 novembre qu’il va à nouveau y recourir. Une annonce qui somme comme une déclaration de guerre quand il affirme que « toutes les lois existantes » pourront être utilisées contre le mouvement pro-démocratie.
Le régime tente de diviser le front du rejet auquel il est confronté en évoquant, par exemple, des réformes aux lycéenEs qui sont aujourd’hui vent debout contre l’archaïsme des règles de comportement en vigueur – sans succès, pour l’heure.
« L’alliance du thé au lait »
En plein développement, le mouvement démocratique thaïlandais a précisé ses revendications. Il présente dorénavant dix amendements à la Constitution (avec le soutien de plus de 100 000 personnes) en vue de garantir le caractère constitutionnel de la monarchie et la dépolitisation des forces armées. Il demande la convocation d’une Constituante. En réponse, le Parlement envisage un processus constitutionnel sous son propre contrôle, mais rejette les amendements.
Le mouvement pro-démocratie a rejoint « l’alliance du thé au lait », lancé sur Twitter par des activistes de Hong Kong, Taïwan et Thaïlande engagés dans le combat démocratique. Dans ces trois pays en effet, le thé se boit avec du lait – mais ce n’est pas le cas en Chine. Des liens se tissent dans toute la région pour résister aux logiques passéistes de la guerre froide et au risque de dépendance. On assiste à la naissance d’un nouveau panasiatisme, qui affirme, au-delà de son identité régionale, sa communauté de lutte avec le peuple chilien.
Le mouvement pro-démocratie garde sa vivacité, son inventivité, sa joie. Les menaces auxquelles il doit faire face n’en sont pas moindres, comme en témoignent les propos tenus le 30 octobre par un membre du Sénat, proche du Premier ministre, qui n’a pas hésité à évoquer, à son encontre, l’assassinat de Samuel Paty : « Je ne sais pas si la situation va mener à quelque chose comme la décapitation en France. Mais il pourrait y avoir un fou, un parti tiers, ou un attentat planifié. »