Publié le Mercredi 21 octobre 2020 à 09h51.

État d’urgence « renforcé » en Thaïlande contre le mouvement démocratique

Depuis le 14 octobre, la répression s’est considérablement durcie en Thaïlande. La solidarité internationale commence à s’affirmer. En France même, des démocrates thaïlandais sont menacés.

Le « crime » de lèse-majesté occupe, en Thaïlande, la même fonction que le « blasphème » dans d’autres pays ; il permet de réprimer toutes les oppositions, au gré des besoins, quitte pour ce faire à monter une provocation. C’est ce qui s’est passé lors des rassemblements du 14  octobre (jour anniversaire du soulèvement étudiant et populaire de 1973). La Rolls-Royce beige de la reine Suthida et du prince héritier, encadrée par la police, s’est engagée au sein du cortège étudiant, suscitant un mouvement de colère de la part des manifestantEs. Les cris de « Rendez-nous notre argent » ont fusé. Une indignation spontanée, révélatrice de l’une des nombreuses facettes de la crise de régime qui secoue le royaume.

Tout rassemblement de plus de cinq personnes interdit

Le pays s’enfonce dans une crise économique précipitée par la pandémie de Covid-19 (avec notamment un coup d’arrêt du tourisme). Il est entré en récession. Néanmoins, le roi Maha Vajiralongkorn dépense sans compter. Grâce à son père Bhumibol Adulyadej, il serait à la tête de la plus grande fortune royale au monde. Sa richesse ne l’empêche pas de piocher à volonté dans les deniers publics. L’État entretient ainsi sa flotte personnelle de 38 avions et hélicoptères. Intronisé sous le nom de Rama X, ce souverain absentéiste (il vit en Bavière) ne souhaite ni gouverner ni réellement régner, mais il sait indubitablement accumuler pouvoirs et deniers.

« L’outrage » fait à la reine a permis aux autorités de justifier, dès le 15 octobre au matin, un « état d’urgence renforcé » (l’état d’urgence était censé être « sanitaire ») et de mobiliser des milices d’extrême droite royaliste. Une vague d’arrestations a suivi. Le gouvernement, avec à sa tête le général Prayuth Chan-ocha, recourt aux chefs d’accusation de « sédition » et d’« atteinte à la sécurité nationale ». Tout rassemblement de plus de cinq personnes est officiellement interdit. La censure des médias est à l’ordre du jour. Quel que soit le chef d’accusation, les peines encourues sont très lourdes. La loi sur la lèse-majesté est l’une des plus dures au monde.

Le mouvement démocratique poursuit néanmoins son combat, malgré des risques croissants et les arrestations. Après des mois de mobilisations, ce mouvement a aujourd’hui peu d’équivalents. Il mérite et commence à recevoir un soutien international actif. Des organisations de gauche de la région Asie-Pacifique ont signé une déclaration conjointe de solidarité. Le monde universitaire est mobilisé à l’appel du Réseau académique thaï pour les Droits civiques. Ce soutien doit être relayé en Europe où, de plus, les ultra-royalistes menacent des exiléEs depuis des années. L’image criblée de balles de l’un d’entre eux, vivant en France, a été diffusée sur les réseaux sociaux, la dite « Organisation de collecte des ordures » lançant des appels pour qu’il soit traqué.