L’attentat manqué contre le vol Amsterdam-Detroit, le 25 décembre, du jeune Nigérian, Omar Farouk Abdulmutallab, sert de prétexte à la relance d’une propagande américaine justifiant « la guerre contre le terrorisme »et, en particulier, au début d’une offensive militaire des États-Unis au Yémen. Nous allons continuer à utiliser tous les éléments en notre pouvoir pour intercepter, détruire et vaincre les extrémistes qui nous menacent, qu’ils soient d’Afghanistan, du Pakistan, du Yémen ou de la Somalie, ou de partout où ils préparent des attaques contre le sol américain », a déclaré Obama, peu après cette tentative. On est bien loin des propos, tenus le 4 juin au Caire, qui se voulaient une main tendue au monde musulman. Sans doute Obama veut-il imposer son autorité sur l’État et le Pentagone en flattant l’hystérie antiterroriste. Mais il s’agit aussi et surtout de convaincre l’opinion américaine de la légitimité du redéploiement militaire dont le tout récent prix Nobel a pris la responsabilité. L’affaire rocambolesque de l’attentat manqué est de toute évidence un prétexte qui vient à point nommé. Le jeune Nigérian était connu de la CIA. Son père, riche banquier, ancien ministre, avait lui même prévenu les autorités américaines, dont la CIA, des tribulations de son fils. Ce dernier a pu, sans aucune difficulté, obtenir un visa pour les USA, puis embarquer sur le vol Amsterdam-Detroit. Ce sont les passagers qui l’ont maîtrisé et leurs témoignages ne correspondent pas au portrait officiel du terroriste aguerri, entraîné au Yémen par Al-Qaida. Les négligences des services de sécurité américains sont telles qu’Obama les a mises publiquement en cause. Façon aussi de donner du crédit à la version officielle de l’affaire qui alimente la campagne antiterroriste contre le Yémen. En effet, la volonté des États-Unis d’intervenir militairement au Yémen n’a aucun rapport avec l’attentat raté. Elle obéit à une stratégie qu’Obama assume et même amplifie. Le 17 décembre, avant la tentative d’attentat, des raids américains sur de supposés sites d’Al-Qaida ont fait plus de 60 morts, provoquant la colère de la population.
Cette offensive américaine, à laquelle s’associe la Grande-Bretagne, vise bien plus à terroriser la population pour essayer d’asseoir l’autorité du dictateur en place qu’à éliminer Al-Qaida. En effet, elle ne peut, au Yémen comme en Afghanistan, qu’alimenter la révolte contre les États-Unis. L’enjeu pour ces derniers est de s’assurer le contrôle d’une position stratégique de même qu’en Somalie.
Le Yémen, un des pays les plus pauvres du monde, dominé par une dictature qui affronte deux rébellions, au Nord et au Sud, est un point primordial pour le contrôle de la péninsule Arabique comme de l’océan Indien. 70 millions de dollars viennent de lui être octroyés pour lutter contre le terrorisme, en fait pour renforcer la dictature soumise aux intérêts impérialistes contre les révoltes populaires. Le Yémen, mais aussi la Somalie, sont en passe de devenir le troisième front du redéploiement militaire des États-Unis et de leurs alliés.Yvan Lemaitre