Publié le Jeudi 24 février 2022 à 14h06.

Yeniyol intègre le Parti Ouvrier de Turquie

La section turque de la Quatrième Internationale, Sosyalist Demokrasi için Yeniyol [Cour Nouveau pour une démocratie socialiste] a décidé de rejoindre le Parti Ouvrier de Turquie (TIP). Dans le cadre des accords conclus avec la direction du TIP, Yeniyol n’existera plus en tant qu’entité, tous ces membres seront désormais membre du parti, cependant le site Imdat Freni (« Frein d’urgence », en référence à Walter Benjamin) animé par les militants de la section sera préservé, ainsi que les rapports avec la QI.

Le TIP, prend son nom de la principale formation politique de la gauche socialiste des années soixante fondé tout d’abord par des syndicalistes, à laquelle s’y joignirent des intellectuels de gauche et notamment un groupe significatif d’intellectuels kurdes. Le TIP d’aujourd’hui est un parti né de la crise du TKP (PC turc) stalinien face au mouvement dit de "Gezi" en 2013, en particulier de sa branche Jeunesse face à l'incapacité du parti à répondre aux aspirations de la jeunesse mobilisée. Le TIP a donc été fondé à la suite d’une scission vers la gauche du TKP. Cette réorientation vers la gauche s’est notamment illustrée dans le rapport au mouvement kurde mais aussi aux autres courants révolutionnaires de Turquie, marquant ainsi une rupture par rapport au nationalisme et au sectarisme du TKP. Fondé en 2017, le TIP a fait alliance avec le HDP (Parti démocratique des peuples, issu du mouvement kurde) lors des élections de 2018 et a réussi à obtenir deux députés (Erkan Baş et Barış Atay) à travers les listes du HDP. Deux autres députés les ont rejoints (Sera Kadıgil provenant du CHP républicain et Ahmet Şık du HDP). La combativité de ces quatre députés (trois hommes et une femme) au parlement, le fait qu’ils aient réussi à utiliser leur place à l’assemblée pour y dénoncer activement les politiques de l’AKP, sa corruption et exprimer les revendications des mouvement sociaux, notamment de la classe ouvrière et du mouvement des femmes a fait du TIP un pôle d’attraction aux yeux des travailleurs, des femmes, et surtout des jeunes. Le parti compte aujourd’hui plus de 7 000 membres et continue à grandir de jour en jour. Si le parti se réclame ouvertement du socialisme (dans le sens révolutionnaire du terme), sa base est très hétérogène et une frange importante est constituée de personnes n’ayant jamais eu de lien avec des organisations d’extrême gauche ou même, n’ayant jamais voté pour un parti de gauche (CHP y compris). Ceci est surtout valable pour la base ouvrière du parti (métallos, travailleurs du textile, travailleurs agricoles…). Mais aussi pour une importante partie de la base qui provient des déçus du CHP. D’autre part une base très jeune a aussi rejoint le TIP, dont pour la plupart c’est leur première engagement politique, et qui sont ainsi loin des divisions historiques insignifiantes et obsolètes de la gauche turque et vont donc faire leur propre histoire, vivre leurs propres expériences.

Ainsi, transformer cette radicalisation non négligeable en politisation, recruter les gens non seulement au parti mais aux idées révolutionnaires, donc former politiquement et idéologiquement les membres, mais aussi les insérer dans une activité militante dans leurs entreprises, usines, université, lieux de travail… Tels sont les enjeux majeurs face auxquels se trouve TIP.

Rejoignons-nous au TIP pour la Construction de l'Alternative Anticapitaliste !

Déclaration de Yeniyol

Après des décennies de défaite, le mouvement ouvrier international et les forces socialistes révolutionnaires sont confrontés à la nécessité d'une restructuration plus urgente que jamais, alors que le capitalisme précipite l'humanité et la planète vers une catastrophe écologique et que des mouvements fascisants gagnent en force dans le monde entier.

Et si l’on regarde le territoire sur lequel nous vivons, nous traversons une phase qui n'est point indépendante de ce cadre international, où les crises politiques, économiques, sociales et écologiques s'entremêlent, et où le régime du Palais [d’Erdogan] perd sa légitimité et use de ses appareils répressifs encore plus brutalement. Il est bien entendu que les forces de la restauration [l’opposition bourgeoise], qui se voient comme candidates au pouvoir, ne promettent rien d'autre que pauvreté et exploitation et ne tolèrent point les luttes collectives de ceux d'en bas.

Le régime tente de discipliner les travailleurs avec des offensives à la fois économiques et politiques ; l'État fait de son mieux pour tenir le peuple kurde à bout de souffle ; la lutte des femmes, qui donne l'exemple par sa persévérance, est tenté d’être réduite au silence ; les LGBTI+ sont ciblés par l'État, les universités sont attaquées, la nature est soumise à une horrible opération de pillage incluant une grande vague de dépossession.

Nous disons qu'il existe un moyen de se débarrasser de ce régime corrompu où tout droit démocratique est attaqué arbitrairement et du système de barbarie capitaliste au sein duquel il se trouve.

Cette voie passe par la formation d'un outil politique anticapitaliste à travers les luttes, qui vise à ce que les ouvriers et les opprimés obtiennent des acquis qui amélioreront leur capacité d'action collective, augmenteront leur confiance en eux et qui a pour objectif la reconstruction de la conscience de classe.

L'objectif n'est pas seulement de vaincre l'AKP, mais de jeter les bases d'une lutte politique unie qui brisera la domination du capital dans le processus qui suivra et fera de la rupture avec le capitalisme une alternative significative et imaginable aux yeux de larges masses. Et cela passe par la restructuration du mouvement socialiste, par la construction d'un parti de masse révolutionnaire, écosocialiste et féministe, internationaliste et pluraliste, enraciné dans les classes laborieuses.

Nous pensons que le Parti Ouvrier de Turquie peut être un acteur décisif dans la construction d'une politique de classe anticapitaliste qui ouvrira la voie à une sortie en faveur des travailleurs et des opprimés des conditions de crise totale dans lesquelles nous nous trouvons et qui entreprendra la défense du travail et de la liberté contre le nouveau gouvernement bourgeois dans la période post-AKP.

Il est particulièrement important pour nous, au regard du type de construction politique dont nous parlons

  1. Que le TIP émerge en tant que pôle socialiste [révolutionnaire] ayant attiré l'attention et le respect parmi les travailleurs et les secteurs populaires pour la première fois après de nombreuses années ;

  2. que le parti agisse selon une ligne internationaliste et solidaire avec le peuple kurde et le HDP ;

  3. qu'il s'agisse d'un terrain susceptible de développer une culture politique pluraliste et participative en ouvrant ses rangs à tous ceux qui veulent combattre l'ordre capitaliste plutôt que de se faire le porteur d'une seule tradition politique.

Nous déclarons que nous continuerons désormais notre combat révolutionnaire débuté en 1978 avec la publication de Sürekli Devrim [Révolution Permanente], dans les rangs du Parti Ouvrier de Turquie, en tant que membre de ce parti. Nous invitons tous nos amis à se retrouver au Parti Ouvrier de Turquie pour construire une alternative politique anticapitaliste.

Sosyalist Demokrasi için Yeniyol

Cours Nouveau pour une Démocratie Socialiste