Vendredi 20 avril, à l’aube, les CRS évacuaient, à grands renforts de tronçonneuse et de hache, le centre Tolbiac de Paris 1, occupé depuis quatre semaines par les étudiantEs en lutte contre l’application du plan étudiants, qui instaure, entre autres, la sélection en L1 et va aggraver la concurrence entre les universités.
Une occupation qui était au départ une simple réponse à la politique répressive de l’administration, laquelle avait par deux fois fermé le centre universitaire les jours de mobilisation, pour empêcher les assemblées générales de se tenir. Cependant, l’occupation a servi à bien plus que cela : en empêchant les cours de se tenir, ce sont de très nombreux nouveaux étudiantEs, dont des boursierEs qui ne peuvent d’habitude pas trop se mobiliser en raison de leurs obligations d’assiduité, qui se sont à leur tour emparés de leur fac pour en faire un bastion de la lutte contre la loi Vidal.
Un centre militant au service de la lutte étudiante
Cours alternatifs, actions de blocages des autres centres, concerts, projections, ateliers militants : pendant quatre semaines, les trois tours de Tolbiac, pour le moins lugubres, s’étaient transformées en un centre militant au service de la lutte étudiante. Mais pas seulement : dès le départ, la question de la convergence avec les autres secteurs en lutte a été au centre des préoccupations des étudiantEs mobilisés. C’est surtout avec les cheminotEs que des liens durables se sont tissés : après une table ronde qui réunissait des cheminotEs de toutes les gares parisiennes, qui a permis aux étudiantEs de s’emparer des problématiques de la réforme du rail, ces derniers ont organisé une soirée de soutien aux grévistes en reconductible, récoltant 4 500 euros répartis entre les caisses de grèves de Paris-Nord, Austerlitz et Saint-Lazare. Mais la convergence n’est pas à sens unique. Les cheminotEs ont aussi joué un rôle important dans la défense de Tolbiac, notamment lorsque le centre risquait l’évacuation. Le 11 avril, alors que près de 2 000 personnes étaient venues défendre la fac que son président souhaitait voir évacuer, des cheminotEs des gares parisiennes et d’ailleurs (de Châtillon, du Bourget) sont venus défendre les étudiantEs. Pour certainEs, c’était la première fois qu’ils entraient dans une fac. Une belle façon de concrétiser une des revendications des étudiantEs, que les facs soient ouvertes aux enfants d’ouvriers.
Détruire un symbole
La « Commune libre de Tolbiac » a ainsi a été un symbole national de la lutte contre la sélection. Un symbole qui, de surcroît, avait tenté de se lier aux autres secteurs en luttes, cheminotEs, postierEs, mais aussi luttes antiracistes. C’est ce symbole que les autorités ont voulu abattre en évacuant violemment les bâtiments la semaine dernière. Tolbiac étant devenu l’un des points d’ancrage d’une mobilisation nationale, laquelle a pris pour modalité l’occupation des centres universitaires, l’évacuation a d’abord été préparée médiatiquement, avec Georges Haddad, le président de la fac, prétendant que le centre était devenu une « zone de non-droit », où « la violence, la drogue et le sexe » régnaient… Malgré ces accusations, la violence n’est pas venue des étudiantEs, mais des CRS qui sont entrés avec des béliers dans la fac, à cinq heures du matin, suivis, tels des reporters de guerre, par les fières équipes de BFM-TV amenées en car par les forces de répression. « Aucun incident », a tout de suite déclaré la préfecture. Pourtant, au moins quatre blesséEs sont à déplorer : phalanges cassées, épaules déboîtées, chevilles écrasées...
Mais la lutte contre le plan étudiants est loin d’être finie : si les vacances vont entraîner un ralentissement des activités, les partiels permettront à nouveau de rappeler les agissement de l’État lorsque l’on s’oppose à lui, et de relancer la mobilisation.
George Waters