Publié le Samedi 6 novembre 2010 à 10h56.

Quand la justice de classe casse la jeunesse…

Vendredi 29 octobre 2010, à 17 heures au tribunal de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), encore une comparution immédiate sous haute surveillance policière à la suite de la manifestation de la veille, encore trois personnes au hasard, trois jeunes cette fois-ci. Le premier, 27 ans, vit de petits travaux, de chèques emplois services. Il a apporté des fumigènes à la manifestation pour amuser la galerie. Devant la sous-préfecture, il a eu l’audace d’allumer une fusée face aux gardes mobiles qui ont ressenti « de l’émoi » et demandent des dommages et intérêts. Encore une fois, il n’y a eu aucun blessé côté flics, mais trois se portent partie civile et demandent des dommages et intérêts. Le second, tout juste 18 ans, est lycéen en bac pro, en rupture familiale, il vit en foyer. Il a eu l’audace devant la sous-préfecture de lancer une bouteille de mousseux vide contre un poteau à trois mètres devant lui. Le troisième, 19 ans, sans emploi, en rupture familiale, placé en foyer par la Protection judiciaire de la jeunesse, un casier, aurait eu l’audace de jeter des canettes vides devant lui.Tous trois reconnaissent les faits et n’ont pas demandé d’avocat pendant leur garde à vue. Tous trois s’excusent. L’un d’eux s’effondre et se met à pleurer dans son blouson. La procureure insensible dresse un portrait d’une jeunesse dangereuse, proche de la délinquance, une jeunesse qu’il faut enfermer, une jeunesse qui n’est même pas capable, mon Dieu, de justifier ses actes de colère envers les forces de l’ordre. Une jeunesse qui est venue casser du flic et qui va finir ce soir en prison. Me Lemoigne et Me Lioret, avec fougue, tentent d’obtenir la nullité des gardes à vue et la relaxe des prévenus. Ils demandent au tribunal de faire confiance à la jeunesse, de ne pas l’incarcérer pour des faits si minimes. Pendant le délibéré de 8 minutes, nous essayons de réconforter prévenus et familles. Le jeune de 19 ans s’effondre à nouveau en larmes.Verdict d’une voix inaudible : trois mois avec mandat de dépôt pour celui de 27 ans, un mois sans mandat de dépôt pour le lycéen que nous récupérons hagard à la sortie, deux mois avec mandat de dépôt pour le troisième de 19 ans. Les condamnés partent en prison, les forces de l’ordre mettent la sirène pour amener nos chétifs « terroristes ».Encore une fois, la disproportion entre les faits et les peines me donne la rage, encore une fois, la justice s’en prend à des gamins que la vie a déjà esquintés. Encore une fois… on ne s’habitue jamais à cette justice de classe, expéditive, à cette justice qui casse… Nathalie (Comité de défense des libertés fondamentales contre les dérives sécuritaires-Codelib)