Vendredi 18 décembre au matin a eu lieu un rassemblement d'une trentaine de personnes devant le lycée Fénelon à Lille. Elles réclamaient Justice pour Fouad1, lycéenne transgenre qui s'est suicidée, et étaient venues lui rendre un dernier hommage. Un second rassemblement s'est déroulé le soir et a rassemblé une centaine de personnes.
Fouad était une jeune fille transgenre et racisée qui vivait dans un foyer à Lambersart. Au début du mois de décembre, elle se fait exclure de classe et humilier par la CPE parce qu'elle était venue en jupe au lycée. Elle est alors renvoyée chez elle sous prétexte que sa tenue pourrait choquer les autres élèves.
Dès le lendemain, ses camarades se sont mobilisés pour elle, collant au sein de l'établissement des affichettes « La transphobie tue » ou « Nos tenues ne sont pas indécentes, ce sont vos regards qui le sont ». Plusieurs jours plus tard, de nombreux élèves sont venus en jupe pour afficher leur solidarité, obligeant la direction du lycée à reculer. Malheureusement, une dizaine de jours plus tard, la jeune fille faisait deux tentatives de suicides auxquelles elle ne réchappait pas. Comble de l'abjection, dans le communiqué envoyé par le lycée aux parents et aux élèves, la lycéenne est genrée au masculin.
Aggravation des conditions de vie des personnes trans
La mort de Fouad est un révélateur de l'aggravation des conditions de vie des personnes trans. Ce n'est ainsi pas la première femme trans à se suicider en France en 2020, il y a eu Mathilde, Laura et Doona. Le 13 décembre, une femme trans mirante travailleuse du sexe a été étranglée à Nice2. D'autres femmes trans, travailleuses du sexe, ont été assassinées ces dernières années comme Vanesa Campos ou Jessyca Sarmiento. Selon l’ONG Transgender Europe, 331 personnes trans ont été assassinées entre le 1er octobre 2018 et le 30 septembre 2019 (3 314 depuis 2008). Les personnes trans sont par ailleurs plus susceptibles de connaitre la misère et la précarité et sont deux fois plus nombreuses à vivre dans la pauvreté que la population générale, et le taux de suicide des trans est sept fois plus élevé.
La transphobie se manifeste également par une offensive réactionnaire à travers le monde. Aux États-Unis par exemple, les projets de loi se multiplient dans les États conservateurs afin d’interdire aux mineurs trans toute transition sociale (non médicale). Ces attaques menacent au final aussi bien les droits des femmes que ceux des personnes LGBTI au sens large. L'interdiction des bloqueurs de puberté aux moins de 16 ans au Royaume-Uni renverse la compétence Gillick qui permet l'accès à la contraception et à l'IVG sans autorisation parentale. Aux États-Unis, la Cour Suprême a fort heureusement dans son arrêt Bostock vs Clayton County statué qu'il était anticonstitutionnel de licencier un employé car homosexuel.le ou transgenre malgré une campagne de lobbying appuyée par Trump lui-même3. Les discours transphobes contemporains ne sont par ailleurs qu'une resucée des discours homophobes traditionnels : les femmes trans sont accusées d'être des perverses et des pédophiles, la transidentité serait quant à elle une « mode » et une contagion qui touche les plus jeunes.
Transphobie institutionnelle
La transphobie est institutionnelle enfin. Si le changement d’état civil a été simplifié en 2016, il faut encore passer devant un juge pour obtenir le changement de la mention de sexe à l’état civil. La Loi Bioéthique a refusé l’extension de la PMA aux hommes trans, ainsi que l’utilisation de la technique ROPA (Réception des ovocytes de la partenaire). Les femmes trans ne peuvent donc toujours pas utiliser leurs gamètes après les avoir congelées. La Société française d'études et de prise en charge de la transidentité (SoFECT) devenue French Professional Association for Transgender Health (FPATH), une instance autoproclamée spécialiste des transidentités, continue d’accaparer le suivi médical des personnes trans et fait pression sur la sécu pour le déremboursement des parcours de transition hors de son contrôle.
Le NPA lutte contre toutes les formes de transphobie et de LGBTIphobies, ainsi que pour la dépathologisation des transidentités. Nous revendiquons également la liberté du changement de la mention de sexe à l'état civil, la prise en charge de 100% des frais liés à la transition par la sécu, l'arrêt des mutilations des enfants intersexes, le droit à disposer de son corps et l’autodétermination de genre, ainsi que l'ouverture de structures d'accueils d'urgence pour mineurEs LGBTI.
Pour que ce qui s'est produit au lycée Fénelon ne se reproduise plus, nous réclamons un plan de formation des personnels de l'éducation nationale aux LGBTI-phobies et aux questions trans*, ainsi que des campagnes de prévention pour respecter l’identité de genre des élèves et favoriser leur inclusion (utilisation des pronoms et prénoms choisis, liberté vestimentaire, etc.).
Lien vers le Fonds d'action sociale trans (FAST).
- 1. Les informations que nous avons reçues concernant les prénoms de cette jeune fille au moment de la rédaction de cet article sont qu’elle continuait à se faire appeler Fouad, même si elle réfléchissait à d’autres prénoms comme Luna et Avril. Nous avons suivi la plupart des communiqués et prises de positions sur cette question. S’il s’avère qu’elle avait fait son choix et se faisait appeler par un autre prénom, nous remplacerons celui-ci dans le corps de cet article. Il faut toujours utiliser le prénom d’usage des personnes trans en lieu et place de leur prénom de naissance (dit deadname ou morinom).
- 2. Pour respecter le choix de ses proches, nous maintenons son anonymat.
- 3. En cas de jugement contraire, la Cour Suprême aurait alors renversé l'arrêt Price Waterhouse vs Hopkins qui déclarait anticonstitutionnel et discriminatoire le licenciement d'Ann Hopkins, virée car jugée « pas assez féminine » par son employeur.