Après sa visite à Clichy-sous-bois, Ayrault a annoncé le mardi 19 février que « l'État est de retour dans les quartiers ». Pourtant, la priorité annoncée par le candidat Hollande pour le logement et les quartiers populaires s’éloigne de plus en plus. Il manquerait « seulement » 1 milliard d'euros pour financer l’objectif de 150 000 logements sociaux par an, et les démolitions continuent avec le lancement du nouveau Programme national de rénovation urbaine (PNRU 2).Lancé en 2003, le PNRU prétendait résorber l’habitat insalubre et assurer une « mixité sociale » en agissant sur le bâti de quartiers ciblés parmi les Zones urbaines sensibles (ZUS). Au final, 395 projets ont le label ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine) dans 486 quartiers (dont seulement 189 quartiers issus des ZUS). Montant total des travaux : 44 milliards d’euros partagés entre l’ANRU (27 %), les bailleurs sociaux et privés (43 %) et les collectivités locales (30 %).Une rénovation contre les plus pauvresCette politique de « rénovation urbaine » pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, les financements sont très insuffisants puisqu’il manque 6 milliards d’euros pour finir le PNRU 1. Depuis 2009, l’État s’est désengagé complètement de toute aide directe à l’ANRU, qui vit désormais de prélèvement sur l’Action logement (organisme géré par le patronat et les syndicats, alimenté par le « 1 % logement » qui n’est plus que le 0,45 % !). À ce retrait de l’État s’ajoutent des coupes à venir dans les transferts de subventions aux collectivités locales pourtant très impliquées dans le co-financement des PNRU. L’ensemble laisse planer un avenir très incertain sur les financements effectifs des projets en cours, et déjà en 2009 l’ANRU s’est retrouvée dans l’incapacité de tenir ses engagements, ce qui s’est traduit par un arrêt brutal des chantiers…Les PNRU ont aussi entraîné la démolition de 128 751 logements qui étaient le plus souvent en bon état. Et la politique du « 1 pour 1 », un logement détruit, un autre construit à l’identique, n’est qu’une vaste supercherie puisque 36 % des logements détruits n’ont donné lieu à aucune reconstruction. Ce sont ainsi près de 50 000 logements qui ont disparu. Cette politique affichée de rénovation est en fait devenue une arme de tri social dans les mains des collectivités locales qui profitent de ces projets pour renvoyer toujours plus loin en périphérie des grandes villes les populations les plus défavorisées. Enfin, le dernier problème posé n’est pas le moindre, c’est l’absence totale de consultation des premierEs concernéEs dans ces projets : les habitantEs des quartiers. Des habitants ont été déplacés, certaines familles ne sont jamais réintégrées dans leur quartier et les logements construits sont très souvent plus petits et plus chers.PNRU 2 à l'heure de l'austéritéRéclamé par les élus locaux depuis longtemps, déjà annoncé par Sarkozy, le PNRU 2 est lancé par le gouvernement Ayrault. La volonté affichée par François Lamy (ministre de la Ville) de dessiner « une nouvelle géographie prioritaire » en resserrant les zones dites prioritaires, est bien le seul élément de changement avec les politiques précédentes.Pour le reste, rien ne change. Pire, beaucoup s’aggrave. Le désengagement de l’État de l’ANRU n’est pas remis en cause. C’est l’Action logement qui assure le financement avec 800 millions d’euros par an jusqu’à 2015. Aucune garantie au-delà de 2015 et pour le reste, l’État fait appel au privé pour financer les projets.Bref, rien de neuf à l’horizon pour les quartiers et leurs habitantEs. Une action vers les quartiers centrée sur le bâti, de la politique hors-sol qui ne tient pas compte du chômage qui explose, de la déscolarisation qui touche un jeune sur quatre, et du fait qu’un tiers des habitants des quartiers populaires vit sous le seuil de pauvreté. « Les élus ressassent rénovation ça rassure, mais c’est toujours la même merde derrière les nouvelles couches de peinture » rappait déjà en 1997 Akhenaton. Depuis, pas grand chose n'a changé !Max Bess et Isabelle Guichard
Crédit Photo
Faujour