Il y a des victimes des attentats de novembre qui ont le sentiment d’être les oubliéEs de la solidarité nationale. Elles n’ont pas été directement sous le feu des terroristes, elles n’étaient pas au Bataclan, ni aux terrasses des cafés, ni aux alentours du Stade de France à Saint-Denis...
Il s’agit simplement des habitants du 48 rue de la République à Saint-Denis, immeuble où le commando auteur des attentats avait trouvé refuge. La police est intervenue dans la nuit du 18 novembre, et les explosions qui s’en sont suivies ont totalement ébranlé l’immeuble, le rendant inhabitable. 38 familles, c’est-à-dire 91 personnes dont 26 enfants, ont été évacuées... et hébergées dans un gymnase de la ville pendant une dizaine de jours avant d’être hébergées dans 3 résidences sociales. Les seuls blessés par balles l’ont été du fait de la police.
Ces familles n’étaient pas responsables de la présence de terroristes dans le quartier, en aucune façon complices des crimes commis par ces derniers. Leur situation de victimes est indéniable : elles ont connu un traumatisme grave, une situation de guerre à laquelle elles n’étaient pas préparées, une terreur, dont elles ne comprenaient pas le sens, qui est venue bousculer totalement leur vie, leurs enfants, leur logement, même si ce dernier était en mauvais état, parfois insalubre. Elles ont été totalement démunies de tout : papiers, vêtements, mobiliers, nourriture.
Elles n’ont pu retourner dans leur logement qu’une semaine plus tard, et ce pendant à peine un quart d’heure par famille, pour récupérer des papiers d’identité, et doivent considérer que tout le reste est perdu, à commencer par leur mobilier.
Le mépris d’État
Les habitantEs étaient en droit d’attendre de l’État un soutien actif. Autant la municipalité s’est mobilisée, autant la préfecture gère cette situation comme elle a l’habitude de le faire pour n’importe quelle expulsion locative, c’est-à-dire avec distance, mépris et irrespect vis-à-vis des habitantEs. Il a fallu que les habitantEs appellent le DAL pour qu’il participe à la négociation, qu’un comité de soutien se constitue, que la solidarité se développe pour apporter vêtements, denrées de première nécessité, et argent.
Dans l’immeuble, il y avait quelques sans-papiers. 4 OQTF ont été rapidement délivrées par la préfecture. Et ce n’est que la mobilisation des habitantEs et des soutiens qui a contraint celle-ci à envisager une étude « bienveillante » des dossiers.
Les célibataires ont été installés à l’hôtel pour une période limitée de quelques jours. La préfecture a prétendu faire le tri entre ceux qui seraient réellement habitants de l’immeuble et ceux qui ne seraient là que de passage.
Depuis, les habitants se sont constitués en association, rattachée au DAL, pour pouvoir mieux défendre leurs droits. En effet, ils ne sont pas invités aux réunions du comité de suivi présidé par la préfecture et ne peuvent participer qu’aux réunions prévues avec la ville. Sur l’engagement pris par celle-ci et son bailleur de reloger 14 familles, 9 sont en voie de l’être. Mais côté préfecture rien n’a bougé, à tel point que les habitants avec leurs soutiens sont obligés de se mobiliser. Le 23 décembre une délégation s’est rendue au Quai d’Orsay au siège de la Cellule interministérielle d’aide aux victimes (CIAV) pour demander la reconnaissance du statut de victimes du terrorisme. Sans succès, la porte est restée close.
Les habitants organisent une manifestation le 18 janvier. Le gouvernement communique beaucoup sur son soutien aux victimes. Manifestement il en oublie quelques-unes qui n’ont pas l’intention de se laisser faire.
JMB