Le lobby des propriétaires, la Fnaim et une poignée de députés de Renaissance sont à la manœuvre depuis des mois pour faire adopter une loi anti-squat. Il y a pour eux urgence à rééquilibrer la loi au profit du droit de propriété, « enjeu fondamental de la démocratie », en faisant appel, comme chaque fois pour justifier cette turpitude, à la défense de « petits propriétaires modestes » supposés confrontés au « fléau du squat ».
Le député d’Eure-et-Loir, Guillaume Kasbarian, avait déjà présenté un amendement à la loi sur l’accélération et la simplification de l’action publique, dite loi ASAP, publiée en décembre 2020. Cet amendement simplifiait les procédures d’expulsion, supprimant le passage devant les tribunaux au bénéfice de simples mesures administratives sous la responsabilité des préfets. De plus, il étendait la notion de « domicile » aux résidences secondaires et pied-à-terre. Enfin, il aggravait les sanctions de 15 000 euros à 45 000 euros et de 1 à 3 ans d’emprisonnement.
Renforcement des sanctions
Pas de chance ! Le Conseil constitutionnel avait retoqué en décembre 2020 la partie de l’amendement sur le renforcement des sanctions, non pas sur le fond mais parce qu’accrochée à une loi sans rapport avec le sujet. Trop d’empressement visiblement ! Cela n’avait pas découragé le député de Chartres qui avait promis alors la réintégration de l’amendement retoqué dans « un prochain véhicule législatif ».
C’est chose faite. Il a déposé le 18 octobre 2022 un nouveau projet de loi, cosigné par l’ensemble des députés du groupe Renaissance. Ce projet de loi reprend le niveau des sanctions contre les squatteurs en les triplant : soit 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amendes. Il va pourtant plus loin : il étend la possibilité de l’expulsion administrative (sans passage devant un tribunal) aux locaux vides, sans mobilier, jusqu’à présent considérés comme « occupables ». Là, on voit que ce n’est plus le « petit propriétaire modeste » qu’on cherche à protéger.
La rapacité des promoteurs de ce projet de loi franchit cette fois une ligne rouge. Ce projet met en place un dispositif contre les mauvais payeurs et les locataires endettés, qui instaure la résiliation obligatoire du bail avec expulsion automatique du logement. Le juge n’aura plus la possibilité d’accorder un échéancier et de maintenir le bail et le locataire dans le logement en cas de paiement de la dette.
Criminalisation des mal-logéEs
Cette offensive du lobby de la propriété est totalement en décalage avec la réalité du logement. Dans une situation où la pénurie de logements est à son comble, où le nombre de personnes à la rue n’a jamais été aussi élevé et où les constructions de logements neufs sont au plus bas, le gouvernement choisit la criminalisation des mal-logéEs, des locataires endettés, de toutes celles et ceux qui n’ont pas de logement et en cherchent un à tout prix. Il renforce son dispositif répressif, puisqu’il a renoncé à résoudre la crise du logement. Il se prépare ainsi à des confrontations sociales majeures, du fait de la hausses des charges et des loyers qui ne vont pas manquer de frapper les locataires et les mal-logés. Il donne ainsi des gages à l’électorat réactionnaire, au-delà des discours et des circonvolutions de son ministre chargée du logement, qui sait pour qui il travaille.
L’ensemble des associations ont protesté contre cette loi scélérate qui doit être discutée à l’Assemblée le 28 novembre. Une pétition est en ligne à signer largement1. Il en faudra plus pour faire reculer le gouvernement sur sa loi.