Publié le Vendredi 24 juin 2011 à 12h37.

Histoire extraordinaire d’un harcèlement très ordinaire.

Jacques Mahéas est sénateur PS de Seine-Saint-Denis et maire de Neuilly-sur-Marne. Il semblerait qu’il ait du mal à contrôler ses pulsions. Ainsi, il avait l’habitude de tripoter la gardienne de la mairie quand elle faisait sa ronde le soir. Au point que celle-ci ne supportant plus la situation a bénéficié d’un arrêt de travail de quatre mois. Puis ayant eu vent de ce que le maire a reporté son harcèlement sur une autre employée, elle a décidé de porter plainte. Condamné par le tribunal correctionnel, le jugement est confirmé en appel puis en cassation, en 2010. Mahéas est donc condamné à 10 000 euros d’amende et 35 000 euros de dommages et intérêts. À la suite d’une campagne médiatique spectaculaire impliquant aussi bien les quotidiens que les hebdos, la télé que la radio, le PS s’émeut et radie illico le délinquant de ses rangs. Sarkozy, toujours sur la brèche pour ce qui est des droits des femmes, demande en conseil des ministres qu’un projet de loi soit rédigé afin que toute condamnation d’un élu pour harcèlement sexuel soit systématiquement accompagnée d’une peine d’inéligibilité et que le harceleur soit tout de go démis de ses mandats.

C’est ainsi que le harcèlement sexuel a rapidement disparu dans les institutions de la République.Enfin... presque. Parce que dans la vraie vie, si le harcèlement a bien été reconnu par les différents niveaux de l’institution judiciaire, si la condamnation à une amende et à des dommages et intérêts a été prononcée, l’affaire s’est arrêtée là. Lorsque Femmes solidaires et l’Association contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), qui soutenaient la plaignante, ont adressé une lettre à Martine Aubry pour demander l’exclusion de Mahéas du PS, elles ont eu beau scruter leur boîte à lettres, la première secrétaire a omis de leur répondre. Quant à Sarkozy interpellé par les deux associations en 2006, il n’a pas brillé par une quelconque prise de position.

Il faut dire qu’est également fausse la campagne médiatique. Selon une enquête menée par Arrêt sur images, cette affaire qui a fait l’objet d’une dépêche AFP (ces dépêches sont à la source de nombreux articles), n’a été reprise ni par Libé ni par le Monde, pas plus que par les JT de TF1, France 2 ou France 3. Il semble que seul le Parisien l’aurait évoquée dans ses pages locales.

Il faut dire qu’en France, comme l’a encore montré l’affaire DSK, la presse a tendance à confondre conduite délictueuse, comme le harcèlement ou les agressions sexuelles, avec la vie privée.

Quant au PS, avec près d’un an de retard, il serait en passe de retirer sa carte du parti au coupable.Depuis que DSK a été arrêté, le nombre de témoignages sur le harcèlement, au travail en général et par des élus en particulier, explose.

De nombreux journalistes y sont allés de leur mea culpa... pourvu que ça dure...