Publié le Mercredi 3 février 2021 à 09h46.

Inspection du travail et islamophobie d’État

Alors que l’examen de la loi « séparatisme », rebaptisée « confortant le respect des principes de la république » vient de débuter à l’Assemblée nationale, Mediapart révèle1 que l’État, via les préfectures, tente de faire pression sur les inspecteurEs du travail pour qu’ils et elles exercent des contrôles « ciblés » contre les établissements tenus par des musulmanEs – réels ou supposés.

Mediapart s’est ainsi procuré une note édifiante, envoyée le 8 janvier par le directeur du pôle travail des Hauts-de-Seine, Jérôme Sajot, avec en-tête du ministère du Travail. Extraits : « Une Cellule de Lutte contre l’Islamisme et le Repli communautaire a été mise en place en janvier 2020 dans chaque département afin de mettre en œuvre une réponse adaptée à ces menaces. Cette instance a pour objet de mettre en commun les informations et de faire agir en concertation les services de l’État dans le département et prioritairement ceux ayant des missions de contrôle de la réglementation. […] Nos services sont donc l’une des institutions en charge d’apporter leur concours dans ce cadre. Notre mission consiste à procéder à des interventions dans des établissements suspectés de ne pas respecter les règles auxquels (sic) ils sont soumis. […] L’implication de chacun de nous est une nécessité. Il vous sera bientôt transmis des listes d’établissements devant faire l’objet d’interventions de notre part, interventions que nous réaliserons dans le cadre de nos prérogatives. »

C’est ainsi que dans divers départements, les inspecteurEs du travail sont « encouragés » à contrôler kebabs halal et autres barbiers musulmans, non dans le but d’assurer leur mission normale mais bien dans celui de contribuer à la prétendue lutte contre le « séparatisme ». Commentaire de Valérie Labatut, secrétaire nationale du syndicat CGT-TEFP : « Cela consiste en un détournement de finalité de l’inspection du travail. On nous demande d’exercer nos missions de contrôle, ce qui n’est pas anodin. L’objectif poursuivi n’a pourtant rien à voir avec nos missions qui sont d’assurer l’application de la loi relative au droit du travail ».

Aucune limite, de toute évidence, pour un gouvernement qui, alors qu’il piétine le droit du travail, se sent autorisé à embrigader celles et ceux qui tentent de le faire respecter – et qu’il méprise le reste de l’année. Plus c’est gros, plus ça passe ?

  • 1. Davide Perrotin, « "Séparatisme" : les autorités tentent d’embrigader l’inspection du travail », Mediapart, 1er février 2021.