Publié le Mercredi 16 novembre 2016 à 15h19.

Migrant-E-s : Rompre toute collaboration avec le pouvoir

Il n’y a pas d’équilibre dans la politique du pouvoir envers les migrantEs. Les campements à Calais, Paris et Metz ont été détruits. Les lieux occupés sont expulsés à Marseille ou dans la vallée de la Roya à la frontière avec l’Italie, des activistes poursuivis. Progressivement la réalité, inégale, des conditions, parfois indignes, dans les centres apparaît. à Calais comme à Paris, la disparition des campements se traduit par une précarisation accrue des migrantEs à la rue pourchassés par la police.

 

Sous couvert d’hébergement, l’État renforce un dispositif qui vise en fait à trier et à expulser plus « efficacement ». à Paris, les migrantEs, « hébergés » pendant quelques jours dans le centre qui a ouvert dans le 18e arrondissement, passent par la préfecture non pour entamer leur procédure... mais pour déterminer qui est expulsable. Dans une circulaire non publique de juillet, révélée par le Monde du 8 novembre, le ministère de l’Intérieur a exigé l’application plus stricte du règlement Dublin III pour expulser les migrantEs. Et le même a lancé un nouvel appel d’offres fin septembre pour plus de 5 000 places dans des centres destinés à la « préparation du transfert des personnes sous procédure Dublin » et au « suivi des personnes assignées à résidence dans ce cadre ». Tout cela alors que se multiplient les accords bilatéraux avec des pays d’origine pour le renvoi de leurs ressortissantEs.Dévoiler cette logique est une condition essentielle pour éviter que le mouvement de solidarité n’en devienne, même à son corps défendant, un des rouages. Car c’est sur la base de l’illusion d’un équilibre entre « fermeté » et « humanité » que se mènent, parfois en toute bonne conscience, des stratégies d’accompagnement de cette politique : essayer de combler les trous (apporter vêtements, nourriture, cours de français, etc. dans des centres), aider les migrantEs – individuellement – à obtenir ici un hébergement, là à faire un recours juridique, etc. Toutes ces actions témoignent d’une volonté réelle de solidarité qui peut d’autant plus se légitimer qu’elle tranche avec le racisme des discours dominants ou les rassemblements anti-migrants organisés par le FN.

Leur salut passe par un combat...Le pouvoir fait lui-même appel au bénévolat. à Paris, des bénévoles participent au fonctionnement du nouveau centre tandis que le Samu social demande aux particuliers d’héberger des réfugiéEs, une opération soutenue par la Fondation BNP Paribas ! Appel au bénévolat et aux dons, sous-traitance par des associations (dont les employéEs n’ont ni les mêmes conditions ni les mêmes salaires que les fonctionnaires) qui deviennent alors des « opérateurs » de l’État, font baisser le coût du dispositif. Ce n’est pourtant pas l’essentiel : une politique planifiée d’accueil et d’hébergement serait bien moins dispendieuse. Il s’agit surtout de lier étroitement associations et individus à la politique de l’État. à Paris, les opérations de démantèlement impliquent des membres d’Emmaüs et de France terre d’asile, mais aussi des fonctionnaires de la mairie et de la préfecture « sur la base du volontariat »...La tâche première de la solidarité avec les migrantEs devrait être de les informer sur la réalité de la logique du pouvoir. Pas pour les désespérer mais parce que leur salut passe par un combat. Cela suppose de favoriser et soutenir leur combativité pour obtenir ce à quoi ils et elles ont droit : hébergement, santé, éducation, papiers et liberté de circulation. Cela suppose de lutter dans les associations, les syndicats, les collectifs, pour rompre avec toute logique de collaboration avec l’État. Pour construire, dans le combat commun, la seule fraternité réelle, celle qui se fait à hauteur d’épaules, parce que debout. En égaux et égales.

Denis Godard