Lors de son allocution du 14 juin, Emmanuel Macron n’a pas seulement donné des gages à la police. Après avoir affirmé qu’il se montrerait « intraitable face au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations », le chef de l’État a en effet ajouté deux phrases loin d’être anodines : « Ce combat noble est dévoyé lorsqu’il se transforme en communautarisme, en réécriture haineuse ou fausse du passé. Ce combat est inacceptable lorsqu’il est récupéré par les séparatistes. »
« Communautarisme » et « séparatisme » : les grands mots sont lâchés. Ou comment s’adresser directement à l’extrême droite la plus rance en laissant entendre que les manifestations de ces dernières semaines, explicitement tournées contre le racisme et les violences policières, auraient un lien quelconque avec des revendications « communautaristes » ou, pire encore « séparatistes ». Aurions-nous manqué les banderoles revendiquant l’autodétermination de la Seine-Saint-Denis ?
La situation ne prête malheureusement pas à rire. Car lorsque de jeunes manifestantEs noirs et arabes crient « égalité » et qu’on leur répond « communautarisme », c’est une certaine vision de la société qui s’exprime… A fortiori lorsque Macron en rajoute en déclarant : « La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire. Elle n’oubliera aucune de ses œuvres. Elle ne déboulonnera pas de statues. » La boucle est – quasiment – bouclée : en confondant sciemment mémoire et histoire, Macron, malgré quelques formules creuses supposées témoigner de son « ouverture », renvoie la critique des crimes du colonialisme à une position « anti-républicaine ».
Tel est l’un des paradoxes de la position de nombre de pourfendeurs du « communautarisme » : (feindre de) ne pas se rendre compte qu’en renvoyant des personnes revendiquant l’égalité des droits à une supposée « communauté » au nom de laquelle ils et elles se mobiliseraient, voire en les accusant de vouloir se « séparer » du reste de la population, ils se livrent eux-mêmes à un exercice d’auto-affirmation identitaire, exprimant leur adhésion à un ordre raciste au sein duquel chacunE doit rester à la place qui lui est assignée, fût-elle subalterne.