Après une nouvelle journée de grève et de mobilisation, les raisons de la colère sont toujours là et ces prochaines semaines pourrait voir l’expression d’un empilement de revendications et de mobilisations, toujours autour de l’explosion des prix, de la « vie chère », mais aussi du refus de la énième réforme des retraites promise par le pouvoir pour le début de l’année prochaine.
Les chiffres ne trompent pas. Selon la dernière étude de l’Insee, les prix à la consommation ont augmenté de + 6,2 % d’octobre 2021 à octobre 2022. Cette hausse de l’inflation est bien entendu due à l’augmentation des prix de l’énergie, de l’alimentation et des produits manufacturés. Autant dire que les luttes pour des hausses de salaires, luttes qui n’ont jamais cessé ces derniers mois, n’ont aucune raison de s’arrêter ces prochaines semaines.
Car au-delà du cas très médiatisé de TotalEnergies (avec ses 18,8 milliards d’euros de profits au premier semestre, et son bénéfice net en augmentation de 43 % en un an !), les grosses entreprises se portent plutôt bien : + 27 % pour Airbus, + 26,5 % pour Sanofi… Dans le même temps, le salaire mensuel de base a reculé avec l’inflation : – 2,9 % dans le secteur tertiaire (en particulier les services), – 3 % dans l’industrie, et même – 3,4 % dans la construction. Pour les fonctionnaires, avec une augmentation de + 3,5 % du point d’indice en juillet 2022, les augmentations totales de 2010 à 2022 ont été en tout de + 4,7 %... alors que sur la même période longue, l’inflation cumulée a explosé à + 20,4 % !
Passages en force et fuite en avant raciste
En à peine deux semaines, le gouvernement d’Élisabeth Borne, petit doigt sur le couture du pantalon, a dégainé à quatre reprises l’article 49.3 pour faire passer les différents éléments du budget national de 2023. Car même avec une prétendue majorité — pourtant minoritaire — les classes dirigeantes et ceux qui les servent peuvent toujours compter sur des institutions antidémocratiques totalement à leur service, quitte à tordre le bras à une partie de leurs parlementaires. Mais du point de vue de la crise politique qui travaille le pouvoir, rien n’est réglé pour Macron et ses lieutenants, avec l’ombre d’une possible dissolution de l’Assemblée nationale comme coup de poker du président.
L’extrême droite espère récolter les fruits pourris de cette politique, se posant depuis plusieurs semaines comme la principale opposition à Macron et se payant même le luxe de voter les motions de censure proposées par la Nupes. À l’heure de la défense inconditionnelle apportée par le RN aux paroles racistes de l’un de ses députés, Grégoire de Fournas, la course à l’échalote lancée par Darmanin il y a quelques jours autour d’un énième projet de loi xénophobe sur l’immigration (ciblant notamment les personnes victimes d’OQTF, à la suite de l’assassinat de Lola et sa récupération ignoble par la droite et l’extrême droite) va donner du grain à moudre à l’extrême droite pour répandre son idéologie dégueulasse.
Après le 10 novembre, préparer les affrontements
Recul de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans pour 2032, augmentation du nombre d’années de cotisation et suppression des 42 régimes spécifiques dits régimes « spéciaux »… Macron ne fait pas mystère de ses projets en matière de « réforme » des retraites, souhaitant donc que le Parlement ait tranché avant la fin de l’hiver pour une entrée en vigueur l’été prochain. Au-delà de vouloir répondre aux desiderata du Medef qui rêve d’une telle réforme depuis plusieurs années, Macron souhaite ainsi reprendre politiquement la main, mais notre camp social ne va pas se laisser faire.
Si le calendrier de mobilisation reste éclaté, avec des journées de grève et de mobilisation perlées plus ou moins préparées par les directions syndicales (comme la journée du 10 novembre), la colère sociale — intacte — cherche toujours le terrain propice à son incarnation. Explosion des prix, augmentation nécessaire de tous les revenus, défense des retraites, il faut faire le pari qu’une telle accumulation puisse porter à ébullition le monde du travail et la jeunesse ces prochaines semaines. Pour peu qu’on lui donne des perspectives afin que cette colère s’exprime pour la construction d’une mobilisation générale.
Pour notre camp social, l’issue ne réside pas dans les institutions : les motions de censure venues de la gauche sont sans effet, condamnées à être défaites les unes après les autres. La seule perspective reste la censure du pouvoir par la grève et dans la rue. Contre Macron au service du Medef, la droite et l’extrême droite, il n’y a pas d’autre voie possible que la construction dans l’unité d’un front de la gauche sociale et politique au service des luttes de notre camp pour y arriver.