Publié le Mercredi 27 février 2019 à 10h54.

Benalla : l’« affaire d’été » était bien une affaire d’État

L’affaire Benalla a connu de nouveaux développements au cours des dernières semaines, qui témoignent, s’il en était encore besoin, que le « nouveau monde » promis par la Macronie ressemble à s’y méprendre à l’ancien : passe-droits, magouilles, barbouzeries… le tout au sommet de l’État.  

Un véritable feuilleton que cette affaire Benalla, dont certains des récents rebondissements auraient probablement été refusés par des producteurs de séries d’espionnage, tant ils apparaissent comme étant « trop gros ». Dernière information en date – à l’heure où ces lignes sont écrites –, Alexandre Benalla et Vincent Crase se sont retrouvés, le 19 février, dans un box commun au Palais de justice de Paris, sans interdiction de communiquer, suite à un « cafouillage » : le mail transmettant les consignes des magistrats n’avait pas été envoyé aux personnes concernées. Lorsque l’on sait que les deux comparses se trouvaient au Palais de justice pour être placés en détention en raison d’une violation de leur contrôle judiciaire, qui leur interdisait de… se rencontrer et de communiquer entre eux, on a presque envie de rire.

« Rapport accablant pour la Présidence »

Mais on ne rit pas, car la situation ne s’y prête guère. Les derniers épisodes de l’affaire Benalla, qui est en réalité, chacunE l’aura compris, une affaire Macron-Benalla, sont en effet de nouveaux révélateurs des pratiques et des méthodes de la Macronie, tant par les faits relatés que par les réactions qu’ils suscitent. Grâce à des enregistrements dévoilés par Mediapart, on a ainsi appris que Crase et Benalla avaient non seulement commis une violation de leur contrôle judiciaire en se rencontrant à la fin du mois de juillet, mais qu’ils avaient en outre organisé la destruction de preuves et menti effrontément devant les commissions d’enquête parlementaires. Le tout avec l’assurance, à en croire Benalla lui-même, qu’ils avaient le soutien du « patron », un certain Emmanuel Macron. 

Quelques jours plus tard, le long rapport remis par la commission d’enquête sénatoriale se révélait, selon la chaîne Public sénat elle-même, « accablant pour la Présidence » : flou quant aux missions réellement confiées à Benalla, rétention d’information de la part du ministre de l’Intérieur, du préfet de police de Paris et du directeur de cabinet de Macron, absence de signalement au parquet, absences de sanctions réellement effectives, etc. Un réquisitoire dont la lecture laisse pantois, tant il témoigne du sentiment d’impunité de Benalla et, « en même temps », du fait que ce sentiment n’était pas injustifié tant la Macronie a tenté de le couvrir et, l’heure venue, de le sauver.

Circulez, y’a rien à voir ?

Du côté du pouvoir, on continue de jouer la montre, et de considérer que la meilleure défense est l’attaque : le rapport du Sénat a ainsi été la cible de nombreuses critiques, à commencer par celles d’Édouard Philippe lui-même, qui a cru bon de se déclarer « un peu déçu », jugeant « incompréhensible et souvent injustes » les remontrances de la commission sénatoriale, ajoutant que « traditionnellement les chambres ne se mêlent pas de l’organisation interne de la présidence de la République ». En substance : circulez, y’a rien à voir, ce qui se passe dans les couloirs de l’Élysée ne regarde que l’Élysée ! On est bien loin du provocateur « Qu’ils viennent me chercher » de Macron au début de l’affaire… 

Indice du malaise qui se répand dans les hautes sphères du pouvoir, les démissions et annonces de départ s’enchaînent : Ahlem Gharbi et Barbara Frugier, conseillères « international », Sylvain Fort, conseiller en communication, Ismaël Emelien, l’un des plus proches conseillers de Macron, etc. Un signe tangible de la panique en cours, et de la volonté présidentielle de « resserrer les rangs » pour tenter de maintenir le cap malgré la tempête… Pas sûr que cette obstination soit couronnée de succès, a fortiori en plein mouvement des Gilets jaunes, parmi lesquels l’un des slogans les plus populaires est « Emmanuel Macron, on vient te chercher chez toi ». Les révélations s’enchaînant (contrats russes, probables malversations financières, destructions de preuves, etc.), l’étau semble en effet se resserrer sur l’Élysée.

J.S.