Publié le Vendredi 5 décembre 2014 à 07h56.

Budget 2015 : après le sursis de Bruxelles, c’est pas fini !

Non sans difficultés, le budget 2015 a été voté, avec ses coupes budgétaires massives (21 milliards). L’annonce par le gouvernement de 3,6 milliards de réduction de dépenses supplémentaires, un recul de plus face à Bruxelles, a permis à Hollande et Sapin d’obtenir le feu vert de l’Union européenne. Mais même avec ces coupes, il est officiel que ce budget ne respectera pas les 3 % de déficit définis par les traités européens, 4,3 % étant prévus...

Tout ceci n’est pas acceptable pour Bruxelles et Berlin. Là-bas, on enrage en effet de voir que le gouvernement français renâcle à s’engager « dans la voie des réformes »... D’où la déclaration choc d’un commissaire européen lié à Merkel : « nous perdrions toute crédibilité si nous prolongions pour la troisième fois le délai accordé sans exiger des contreparties très concrètes et précises. La France doit s’engager sur des objectifs politiques clairs ». Selon celui-ci, les problèmes de la France seraient le coût élevé de sa main-d’œuvre, les forts prélèvements sur les salaires, l’augmentation de l’imposition des entreprises, etc.

De la lettre de Valls à la « recommandation » de MoscoviciAfin de rassurer ces « partenaires », Valls s’est donc fendu d’une lettre où il affirme que « La France mène des réformes économiques ambitieuses depuis 2012 et entend les accélérer ». Quatre domaines sont cités : la libéralisation du marché des biens et services, le fonctionnement du marché du travail, la réforme territoriale et, la « maîtrise » des prélèvements obligatoires, « en particulier en réduisant ceux pesant sur le travail »...Tout ceci a permis à Moscovici, le commissaire européen « socialiste » à l’économie de donner un sursis de 3 mois à la France. Le gouvernement est prié de mettre à profit ce délai pour élaborer un plan « crédible » aux yeux de Bruxelles. Si ce n’est pas le cas, Moscovici publierait une « recommandation » dès mars 2015, un ensemble de « réformes structurelles » et de coupes budgétaires que l’UE imposerait alors au gouvernement français.Il y a donc peu de doutes que l’on s’oriente, sous une forme ou sous une autre, à une révision budgétaire, à l’annonce de nouvelles coupes dès 2015. En clair, le budget 2015 effectif sera encore pire que ce qui a été voté.

Derrières les « réformes de structure »Mais au-delà, l’heure est aux « réformes de structure », seules censées permettre des économies durables, car modifiant en profondeur le fonctionnement économique des États membres. En clair, il s’agit de s’engager réellement dans la voie de la dérégulation du marché du travail, à l’image des fameuses mesures prises par Schröder en Allemagne (Hartz IV, etc.).Publié cette semaine à la demande des gouvernements français et allemand, le rapport Pisani-Ferry-Enderlein est un bon indicateur de ce que réclament les capitalistes. Ainsi est préconisé une « flexisécurité collective »... soit la précarité généralisée ! De même, les auteurs recommandent une baisse importante du pouvoir d’achat des salaires, en premier lieu du SMIC, etc.

Dénoncer les politiques austéritairesEn France, les négociations en cours sur le dialogue social et les seuils sociaux vont dans le sens de ce rapport. Le patronat estime que les obligations liées à ces seuils représentent plus de 1 % de la masse salariale des entreprises concernées. C’est autant d’argent que le gouvernement se verrait bien rendre au patronat, en soumettant encore plus les salariéEs à l’arbitraire patronal...Dans le même ordre d’idées, le projet de loi Macron, qui devrait être voté en janvier prochain, est significatif. Ainsi, ce fourre-tout prévoit d’affaiblir la juridiction des prud’hommes, d'élargir les possibilités de déroger à la durée légale du travail en cas d’accord majoritaire au niveau de l’entreprise ou de la branche. C’est bien le « détricotage » des 35 heures qui est à l’ordre du jour. De même, les possibilités de travail du dimanche seraient élargies ainsi que le revendique le patronat du commerce (voir article sur la loi Macron en page 8).Quelle que soit la dureté de ces mesures, il faut savoir que c’est bien plus que cela qui sera nécessaire pour rattraper le « partenaire » allemand et éviter une « recommandation » de Bruxelles. Et la situation catastrophique de l’investissement en Europe ne devrait que radicaliser les positions de Bruxelles. Plus que jamais, contre l’Union européenne, s’impose la dénonciation du TSCG, le traité austéritaire européen ratifié par Hollande et sa « majorité » parlementaire...

Pascal Morsu