Les projets budgétaires du gouvernement sont désormais publiés. Le pouvoir axe sa communication sur les 6 milliards que représenteraient les baisses d’impôts et de cotisations sociales pour les ménages. En fait, il s’agit d’une gigantesque entourloupe pour faire passer les cadeaux aux entreprises et aux riches.
Comment se décomposent ces 6 milliards d’euros ? On y trouve pêle-mêle la deuxième tranche de la baisse de la taxe d’habitation (qui avait été reportée pour financer la baisse de l’impôt sur la fortune alors que la promesse de Macron était la suppression totale au 1er janvier 2018), la suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires à partir du 1er septembre et l’effet de la baisse des cotisations sociales salariales. Le gouvernement en retranche l’effet des hausses de la fiscalité sur le tabac et le diesel, et obtient ainsi ces 6 milliards d’euros de « gain de pouvoir d’achat ».
De six milliards à presque zéro
Mais dans le calcul gouvernemental, il y a un « petit » oubli : la perte de pouvoir d’achat entraînée par la revalorisation dérisoire des prestations sociales et des pensions de l’an prochain. Celles-ci ne vont en effet augmenter que de 0,3 %, alors que le gouvernement prévoir une hausse des prix de 1,4 % : ces allocations perdront donc une valeur réelle de 1,1 %, soit 3 milliards d’euros. À cela s’ajoute la réforme des allocations logement et leur désindexation, dont l’impact est évalué à plus de 1 milliard d’euros. Enfin, la hausse du taux de cotisation des retraites complémentaires Agirc-Arrco, qui amputera le pouvoir d’achat de 1,8 milliard d’euros. Les 6 milliards mis en avant par le gouvernement s’évaporent largement : l’OFCE – institut indépendant – a quant à lui calculé qu’il n’en resterait que 1,7 milliard d’euros. Ceci sans parler de ce qui n’est pas directement intégrable au calcul : les conséquences des restrictions budgétaires sur les services utiles (éducation, santé, etc.), qui pèseront sur les ménages, et notamment les ménages populaires. Cerise sur le gâteau : les quelque 3,5 milliards d’euros d’économie sur les allocations chômage d’ici à la fin du quinquennat Macron, que le gouvernement donne pour objectif à la négociation Unedic qui va bientôt s’engager.
Pactole pour les entreprises et l’armée
En tout cas, par rapport aux 19 millards environ dont vont bénéficier les entreprises, les gains éventuels des ménages sont microscopiques. Ces 19 milliards correspondent pour l’essentiel au choix du gouvernement de transférer 18,8 milliards d’euros vers les entreprises par l’engagement de baisses de cotisations sociales employeurs, alors même que l’État va s’acquitter de près de 20 milliards au titre du CICE 2018. Le chèque total avoisine donc 40 milliards d’euros. À cela s’ajoutent notamment plus de 2 milliards d’euros liés à la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés.
Pour tenir le déficit global des finances publiques, l’austérité va être de mise du côté des dépenses. Sauf pour la Défense (dont les crédits augmenteront de 4,8 %) !
Pour justifier ses cadeaux aux entreprises, le gouvernement parle de soutien à l’investissement et à l’emploi. Or, après 4 ans de CICE, on est bien en peine (y compris dans les études officielles) de distinguer un impact significatif. Les investissements productifs n’ont pas particulièrement progressé par rapport aux autres pays européens, tandis que la robotisation de l’industrie stagne. Quant aux emplois créés (ou préservés), 100 000 à 200 000 s’ils existent, leur coût est supérieur à celui d’embauches directes par l’État sur des postes socialement utiles.
Même les quelques velléités de députés de la majorité LREM de donner une tonalité plus « sociale » aux mesures prises ont été jusqu’à présent bloquées par un gouvernent agrippé à sa politique en faveur des riches et des entreprises. Comme le déclarait déjà Édouard Philippe en septembre 2017, c’est tout pour le capital, dans l’espérance illusoire qu’il en résultera un mieux : « Je l’assume, notre objectif c’est de faire en sorte que le capital reste en France et même d’attirer des gens, y compris des gens riches, en France ».
Henri Wilno