Publié le Vendredi 3 mai 2019 à 11h14.

Cohn-Bendit et Besset, l’ultime (?) trahison

Daniel Cohn-Bendit et Jean-Paul Besset se sont fendu, dans le Journal du dimanche du 28 avril, d’une tribune libre appelant à voter Nathalie Loiseau aux européennes. On pourrait se contenter de ricaner sur ce soutien qui vient après deux ans de prosternations devant Macron. Mais, même ces deux individus méritent que l’on prenne au sérieux ce qu’ils écrivent.

Leur texte comporte deux affirmations centrales. La première met l’accent sur l’immensité du défi auquel l’humanité est confrontée du fait d’« un choc sans précédent qui brouille toutes les lignes : rupture de l’ordre économique et social, ébranlement des valeurs, requalification du progrès, adaptation des technologies, calibrage des projets, big bang budgétaire, bouleversement des représentations du monde ». La seconde appelle à rompre, « à descendre du ring de boxe », à en finir « avec l’illusion d’un Grand soir » : c’est la justification de la tambouille politicienne qui conclut leur texte.

Il y a du vrai dans leur première affirmation ; notre camarade François Chesnais a eu l’occasion de souligner que « le capitalisme s’est comporté comme si la planète – tant comme ensemble de ressources non-renouvelables et d’espaces terrestres et maritimes à épuiser que comme biosphère commandant la reproduction des sociétés humaines – pouvait supporter indéfiniment l’intensité de l’exploitation à laquelle elle est soumise. » Cette situation oblige les marxistes-révolutionnaires à prendre en compte des dimensions supplémentaires dans leur élaboration, leur orientation et leur activité.

Mais justement, cela est totalement contradictoire avec la deuxième affirmation de nos duettistes. L’intégration de la dimension écologique renforce notre anticapitalisme révolutionnaire. Après avoir trahi la révolution au nom de l’écologie, Cohn-Bendit et Besset appellent à trahir l’écologie au nom du fait que « désormais tout le monde est écologiste »

Cela serait risible si les enjeux n’étaient pas aussi élevés, très au-delà, bien sûr, de la péripétie des européennes : « La rencontre par le capitalisme de limites qu’il ne peut pas franchir ne signifie en aucune manière la fin de la domination politique et sociale de la bourgeoisie, encore moins sa mort, mais elle ouvre la perspective que celle-ci entraîne l’humanité dans la barbarie. » (Chesnais) La portée des enjeux écologiques ne s’imposera pas naturellement, il faudra plus qu’un « ring de boxe » mais des mobilisations massives et résolues pour mettre à bas ce système dont les Macron et Loiseau sont des serviteurs zélés.

HW

Les citations de François Chesnais sont extraites de « Le capitalisme a-t-il rencontré des limites infranchissables ? », À l’encontre, 4 février 2017.