Nous avions évoqué, la semaine passée, l’arrestation du journaliste indépendant Gaspard Glanz, le 20 avril à Paris. Depuis, d’autres événements sont venus confirmer que nous assistons à un phénomène global de remise en question du droit d’informer et de la liberté de la presse, un phénomène qui n’est pas nouveau mais qui a connu une accélération considérable depuis l’élection d’Emmanuel Macron.
« Depuis le début du mouvement, 79 journalistes ont été victimes de violences policières, selon le décompte du journaliste David Dufresne, et la nouvelle loi "anticasseurs" renforce encore l’arbitraire et met un peu plus en danger la liberté de la presse. Les SDJ [sociétés de journalistes] et SDR [sociétés de rédacteurs] déplorent également le silence assourdissant du ministre de la Culture et de la Communication, pourtant censé soutenir la liberté et l’indépendance de la presse. » L’événement est suffisamment rare pour être souligné : ce sont en effet pas moins de 25 sociétés de journalistes et de rédacteurs qui, le 23 avril, ont publié ensemble un communiqué de soutien au journaliste Gaspard Glanz suite à son interpellation lors de l’acte 23 des Gilets jaunes à Paris. Un communiqué au vitriol, duquel est extrait le passage ci-dessus, signé par les SDJ et SDR de BFM-TV, les Échos, l’Express, le Figaro, France 2, France 24, France 3 national, Franceinfo.fr, France Inter, l’Humanité, le JDD, Libération, le Média, Mediapart, le Monde, l’Obs, Télérama, Paris-Match, le Parisien-Aujourd’hui en France, Sud-Ouest, Premières Lignes, RFI, RMC, TV5 Monde, 20 Minutes, ainsi que par les rédactions d’Alternatives économiques, du Bondy Blog, des Jours et de Reporterre.
« Compromission du secret de la défense nationale »
Il faut dire que la situation est propice à une telle mobilisation dans les rédactions : au-delà des violences commises par la police contre des journalistes, c’est en effet à une remise en cause de plus en plus forte de la liberté de la presse et du droit d’informer que nous assistons. Dernier épisode en date, la convocation par la Direction générale de la sécurité intérieure [DGSI], le 24 avril, de trois journalistes du nouveau média Disclose, suite à leurs révélations concernant l’utilisation d’armes françaises au Yémen. Une enquête a en effet été ouverte par le parquet de Paris pour « compromission du secret de la défense nationale », et la convocation des journalistes n’avait pas d’autre objectif que d’essayer de les mettre sous pression pour qu’ils et elles livrent leurs sources. Là encore, la réaction a été quasi unanime, avec une quarantaine de rédactions publiant un communiqué commun de soutien à leurs confrères et consœurs.
Fuite en avant liberticide
Il est malheureusement logique que les politiques ultra-répressives du gouvernement s’accompagnent d’intimidations, de pressions, d’atteintes à la liberté d’informer. La Macronie ne tolère aucune critique et tente d’étouffer toute contestation, n’hésitant pas pour ce faire à s’en prendre à tous les contre-pouvoirs réels ou potentiels, au premier rang desquels la presse. À cet égard, le contraste n’en est que plus frappant entre, d’une part, ces journalistes et ces rédactions qui tentent, tant bien que mal, de faire leur travail et de défendre leurs droits et, d’autre part les éditorialistes et commentateurs macronisés jusqu’à l’os qui ne défendent hypocritement leurs confrères et consœurs que lorsque ce sont des manifestantEs qui s’en prennent à elles et eux. Ainsi, lors de la conférence de presse de Macron le 25 avril, aucune question n’a été posée sur les atteintes à la liberté d’informer par les heureux élus qui ont eu l’honneur d’être autorisés à s’adresser à Jupiter… Contrairement à ces adeptes de l’indignation à géométrie variable, notre position est claire : résolument critiques des médias dominants, mais au côté de toutes les victimes de la fuite en avant liberticide de la Macronie.
Julien Salingue
À lire sur le site de l'observatoire des médias Acrimed : « La liberté d’informer selon LREM : chronique d’un pouvoir autoritaire (mars-avril 2019) ».