Publié le Mardi 30 juin 2020 à 14h21.

Élections municipales à Bordeaux : maintenant, « on est là » !

Avec son score de 9,39%, la liste Bordeaux en luttes envoie trois éluEs au conseil municipal de Bordeaux, au cours d’une élection également marquée par la défaite de la droite, en poste depuis 75 ans.

Le soir du deuxième tour, on a connu deux évènements « historiques » à Bordeaux. Le premier, assez surprenant et d’autant plus délicieux, ce fut la chute du clan juppéiste-chabaniste, allié de circonstance avec les macronistes, perdant ainsi un pouvoir qu’ils avaient depuis 75 ans. On savait cette droite en difficulté, en mini crise de succession, mais la défaite paraissait peu probable. D’autant moins qu’en face, la solution de rechange proposée était une liste écolo-socialo (EELV-PS) si peu à gauche, si peu en rupture, menant d’ailleurs une campagne très centriste, essayant sans cesse de rassurer l’électorat de droite.Mais le ras-le-bol contre ce Bordeaux bourgeois qui exclut les classes populaires, le contexte marqué par le mouvement de colère des Gilets jaunes et une violente répression, pendant plus d’un an, tout cela fait que le pouvoir en place a fini par se faire dégager.

Une envie de changement

Le deuxième évènement, c’est notre liste, celle de « Bordeaux En Luttes » qui, grâce à son score de 9,39% des suffrages (5300 voix) nous permet d’avoir 3 éluEs au parlement bordelais et un à la Métropole. Pour nous c’est énorme, c’est un exploit, même si depuis les 11,77% du premier tour, le fait de rentrer au conseil municipal était devenu très possible.

Mais cela n’était pas aussi simple car pour une bonne partie de la population, l’enjeu principal de cette élection restait cette « chance » historique de Bordeaux de « basculer » à gauche. Il s’agissait bien d’une attente réelle même si, à côté de ça, l’ important taux d’abstention (62%) montre aussi qu’une majorité n’attend plus rien des élections. 

Il a donc fallu se confronter à cet envie de changement. La liste n’avait aucune hésitation, c’était d’ailleurs décidé depuis le lancement de la campagne, il fallait rester au second tour, aller au bout, pour continuer à défendre notre anticapitalisme, faire entendre la colère sociale et la faire rentrer dans la mairie. Mais est-ce qu’on allait nous suivre, est-ce que parmi nos proches, parmi celles et qui avaient voté pour nous au premier tour, notre présence au second tour serait perçue comme légitime et souhaitable ? 

À part la liste EÉLV-PS dans son ensemble, qui a exprimé clairement son hostilité à notre égard (nous faisions « le jeu de la droite »), dans la population, au fil des distributions de tracts sur les marchés, des collages, des réseaux sociaux, nous avons rencontré essentiellement une grosse sympathie et un soutien permanent, même s’il y avait beaucoup d’hésitations sur quoi faire. Nous avons réussi à rendre légitime notre présence au deuxième tour, assumant notre refus d’alliance, affirmant notre indépendance totale vis-à-vis de la « gauche » institutionnelle.

Crédibilité politique

On savait qu’indépendamment du résultat final, nous avions de toute façon marqué la campagne électorale, en la politisant, en mettant en avant des réponses politiques comme la réquisition des logements, le blocage des loyers, les transports publics gratuits, l’interdiction des pesticides, une écologie anticapitaliste… et aussi sur la nécessité d’une démocratie directe, avec une population qui prenne ses affaires en mains et qui puisse décider directement de ce qui la concerne.

On a fini par bien résister à la pression du vote utile. Certes nous avons perdu 1100 voix et 2,4 points. Mais l’essentiel est là, nous entrons au conseil municipal, gagnant en même temps un crédibilité politique nouvelle. Car nous sommes allés jusqu’au bout, sans nous taire, nous nous effacer, sans plier face aux pressions, au chantage et à quelques insultes venant de la liste EELV-PS. Au final, notre influence, la sympathie qu’on suscite, comme les attentes vis-à-vis de notre arrivée, dépassent largement notre résultat.

Nous sommes évidemment fiers de ce que nous avons fait, collectivement, entre camarades d’associations, de collectifs, syndicalistes, Gilets jaunes, avec des FI et des NPA. Et nous savons qu’autour de nous, il y a une grosse satisfaction d’avoir osé faire, d’avoir porté la parole des luttes et des révoltes de notre camp social. À l’image de notre « meeting » de fin de campagne, à plus de 200, en plein air, sur la place Saint-Michel, quartier toujours populaire et immigré, malgré des années de gentrification et d’exclusion des milieux pauvres et modestes. À l’image aussi de la soirée électorale, toujours en plein air, quartier des Capucins, tout autant populaire, à chanter « On est là » ou encore lInternationale, comme pour crier notre dignité, comme pour dire qu’il faudra compter sur nous, que notre colère rentrera bien dans la mairie pour bousculer la routine, pour changer la donne, en appui sur toutes les mobilisations et résistances sociales.