Une nouvelle fois, le fait notable des élections municipales est le niveau atteint par l’abstention. Et c’est sans surprise que les listes soutenues par le parti macroniste ont subi un échec. Les crises économique, environnementale, sociale alimentent une défiance toujours grandissante vis-à-vis des partis politiques traditionnels. C’est une nouvelle vague de dégagisme qui balaie des villes comme Lyon, Bordeaux, Marseille, Strasbourg, avec une forte alerte sur Lille. Le prétendu renouveau dont se réclamait LREM a fait long feu.
Au moment où les préoccupations écologiques sont portées par les dérèglements climatiques et la crise sanitaire, après les manifestations de la jeunesse en 2019, l’affichage écologiste de partis et dirigeants paraissant moins englués dans le « système » engendre de nouvelles illusions. Pourtant EÉLV n’est pas un parti né hier et ses dirigeants ont une longue habitude de participation à des combinaisons gouvernementales au bilan écologique plutôt mince. S’il est peu probable que des écologistes prennent le risque de s’afficher dans la logique macronienne à deux ans de l’élection présidentielle, la remontée de LR risque de déporter encore plus à droite l’orientation gouvernementale. Le tout confirme que ce n’est pas des urnes, contrairement à ce que martèlent encore certains à gauche, que sortira l’indispensable « monde d’après » la pandémie. En prenant en compte la dangereuse présence maintenue du RN/FN.
Une politique inchangée
Ces résultats ont peu de chances d’influer sur la politique gouvernementale. Un probable remaniement ministériel ne changerait rien à la logique macronienne encore réaffirmée ce lundi matin lors de la rencontre avec les membres de la Convention citoyenne sur le climat : Macron a d’emblée rejeté l’idée d’une taxe de 4 % sur les dividendes. L’objectif reste la remise en selle d’une économie qui permette aux capitalistes de reconstituer profits et dividendes, notamment dans les secteurs dont la crise était annoncée avant la pandémie et que celle-ci a accentuée. Au centre de cette politique se trouve un ensemble d’attaques contre les salariéEs, le droit du travail, l’ensemble de la protection sociale, avec y compris le retour de la réforme des retraites.
Des attaques sur tous les fronts
Dans la santé, les premiers de cordée, c’est-à-dire essentiellement les premières de cordée, ont été envoyées au front sans équipements de protection ni moyens de soigner dans des conditions correctes. Leurs colères sont amplifiées par l’absence d’engagements réels en matière de moyens, les tentatives de division provoquées par les primes, la séparation des discussions entre les médecins et les autres personnels, ou les aides au secteur privé. Pour l’école, enseignantEs et parents d’élèves ont de quoi s’inquiéter face à l’absence de moyens mis dans la préparation de la rentrée de septembre et face aux projets de réformes.
Pour les salariéEs du privé, les attaques se multiplient, notamment dans l’industrie et le commerce. Les fermetures de sites, les dizaines de milliers de suppressions de postes, de licenciements, détruisent autant d’emplois auxquels s’ajoutent les suppressions d’emplois indirects avec les conséquences dramatiques sur les villes, les régions. « En même temps » s’amplifie l’aggravation des conditions de travail par la précarisation généralisée de l’emploi, la destruction des collectifs avec les mutations de site en site, l’extension du télétravail, l’intensification du travail, la multiplication des ruptures conventionnelles collectives… Les « Accords de performance collective » permettent de réduire les salaires, le nombre de jours de congés, etc. Le tout sous pression d’un chômage amplifié et alors que la réforme de l’assurance chômage qui réduit encore plus les droits des chômeurEs n’est que suspendue. De nombreux salariéEs, voire petits patrons de l’artisanat et du commerce, sont au bord du basculement dans une misère durable.
Construire les ripostes
Enfumage et répression sont les deux piliers du prétendu renouveau de Macron. Le saupoudrage de primes, les quelques miettes pour l’écologie ne visent qu’à désamorcer les contestations les plus avancées. Les syndicats de police savent que le pouvoir aura besoin des « forces de l’ordre » face à la contestation sociale, et ils poussent leur avantage en manifestant contre toutes les annonces, même de façade, du pouvoir, en matière de violences et de racisme.
Sur le front de l’emploi, face aux violentes attaques, les ripostes restent à construire. Nokia, Airbus, Air France, le commerce, la presse et le tourisme confirment le pronostic de près d’un million de chômeurEs supplémentaires d’ici 2021. Les coups de colère des salariéEs de la Fonderie de Bretagne, de Renault Maubeuge, de Choisy montrent que patronat et gouvernement craignent une amplification des mobilisations.
Une amplification qui est la tâche de l’heure. Les mobilisations contre les violences policières, pour un service public hospitalier à la hauteur des risques sanitaires, pour la régularisation des sans-papiers, comme les premières ripostes dans la filière automobile, montrent que les hésitations, les atermoiements peuvent être dépassés. En tout cas, les urgences sont là et il est grand temps de mettre un coup d’arrêt aux mesures régressives et répressives d’un pouvoir fort de nos faiblesses.
La convergence des luttes ne se décrète pas. Mais, face au mépris et aux suppressions d’emplois, au-delà des nécessaires mobilisations locales et sectorielles, le débat doit s’engager sur des initiatives à la rentrée de septembre susceptibles de manifester la révolte de tout le monde du travail, de tous ceux et toutes celles qui refusent que Macron et les capitalistes nous conduisent à une impasse tant sociale qu’écologique.