Publié le Mardi 23 juin 2020 à 18h19.

Faire rentrer la colère sociale dans la mairie de Bordeaux

L’équipe de « Bordeaux en Luttes » a le moral. Un sondage, bien qu’à relativiser, nous maintient à 11%. Certes, nous sommes loin des deux cadors qui s’affrontent, LR-LREM à 49% et EELV-PS à 40%, mais l’objectif, on est lucides, n’est pas d’emporter la mairie mais d’avoir plusieurs élu.e.s, au moins trois ou quatre pour faire du bruit mais aussi pour faire bouger les choses.

Le contexte reste particulier, toujours marqué par la crise sanitaire et la crise économique qui vient, par ce monde d’après qui ressemble à celui d’hier en pire. Dans cette campagne, on sent  bien ce climat de résignation, avec de profondes inquiétudes. Il y a un ras-le-bol ambiant, une colère plus ou moins visible. Ces derniers jours, plusieurs mobilisations ont permis de la faire entendre : une grosse manifestation pour l’hôpital, le service public et le personnel soignant ;  manifestations importantes contre le racisme et les violences policières ; des initiatives en solidarité avec les réfugiéEs et contre les expulsions de squats. Du coup on fait campagne au fil des manifestations et des luttes diverses, sur un terrain qui nous est familier. Cela contrebalance l’ambiance fataliste et permet d’aborder plus facilement la perspective de résistance, de ne plus se laisser faire.

Programme de rupture appuyé sur les mobilisations

Ainsi l’opposition est plus claire entre d’une part, les politiciens, qu’ils soient de droite ou de « gauche », courant après le pouvoir et, d’autre part, une liste militante qui met en avant les questions primordiales de rapport de forces entre camps sociaux et la nécessaire mobilisation de la population pour changer la donne. En effet, notre programme de rupture n’est valable que s’il est défendu collectivement après les élections. Car il ne suffit pas de voter un jour et d’attendre la fin du mandat pour recommencer.

C’est de tout cela que nous essayons de discuter. Comment, après le 28 juin, une fois les conseillerEs-militantEs élus, réussir à faire le lien entre les luttes et le « parlement », comment faire entendre les revendications et les besoins des populations dans les quartiers et quels moyens se donner ?

Car, même si on n’est pas bons en arithmétique, ce n’est pas compliqué de comprendre qu’à trois, quatre ou cinq éluEs, dans une assemblée de 65 personnes, on ne pèse pas lourd et on risque fort d’être impuissants. Notre utilité dépend donc des liens que nous saurons construire avec les milieux associatifs, syndicaux, les collectifs militants ou même avec les employéEs de la ville dans les services sociaux ou culturels.

Nous ne sommes pas encore élus mais nous imaginons déjà la suite. La perception est positive, des gens nous attendent, même si globalement la résignation domine. Il y a un espoir. Notre présence dans cette finale à trois fait discuter et réfléchir. Elle permet notamment de questionner la démocratie, la répartition des richesses, la rupture avec les politiques antisociales, une écologie radicale et populaire, à la différence d’une écologie se résumant à quelques arbres sur les trottoirs ou des pistes de vélo plus longues.

Bordeaux bourgeois vs Bordeaux populaire

Notre présence ne suscite pas que des sympathies. Les Juppéistes au pouvoir se concentrent sur le pouvoir qu’ils veulent garder. Ils ne nous calculent pas, nous ne sommes pas (encore) une menace pour eux. Par contre, la liste EÉLV-PS et leurs soutiens comme le PC expriment leur hostilité. Ils nous ont d’abord invisibilisés et ignorés. Mais depuis le sondage du 18 juin qui montre qu’on résiste très bien à la pression du prétendu vote utile, leur hargne a grandi. On empêcherait la chance historique de Bordeaux de basculer à « gauche » donc on doit se retirer. C’est simple. Les attaques se succèdent sur les réseaux sociaux. Sauf que à force de mener une campagne « apolitique », lorgnant en permanence sur le centre ou leur droite, ne parlant quasiment jamais de social, ni de quartiers populaires sauf pour dire qu’il y a des incivilités à combattre, justifiant ainsi le recrutement de policiers municipaux, cette liste EÉLV-PS est en train de perdre toute seule.

L’espoir de virer les juppéistes, au pouvoir à Bordeaux depuis plus de 70 ans, est une réalité. Ce qui nous met la pression bien sûr. Mais on réussit à faire entendre que le repère n’est pas seulement droite-gauche, qu’il doit être aussi celui des oppositions de camps sociaux, du Bordeaux bourgeois et du Bordeaux populaire, on fait entendre les urgences sociales, notre anticapitalisme. Résultat : nous rencontrons sympathie et soutien partout dans la rue. Donc on tient et on s’accroche. Volontairement, notre dernière affiche dit « On est là », comme une spéciale dédicace à ceux qui voulaient se disputer le pouvoir entre eux.