Publié le Jeudi 22 septembre 2011 à 22h11.

Fête de l’Huma : les contradictions du Front de Gauche

Cette fête de l’Huma n’était pas seulement le traditionnel rendez-vous populaire de la rentrée mais le lancement de la campagne du Front de Gauche pour la présidentielle derrière Jean-Luc Mélenchon. De leur point de vue, un lancement réussi mais aussi l’illustration de leurs contradictions.

Cette fête, « la dernière sous Sarkozy » selon Patrick Le Hyaric, se voulait offensive, radicale, dans le souci de tenter d’occuper tout le terrain à gauche du PS et d’Europe Écologie. On ne peut qu’approuver en entendant Jean-Luc Mélenchon, Pierre Laurent ou Patrick Le Hyaric s’enflammer, lors du meeting central, contre l’oligarchie financière, la nouvelle aristocratie, invoquant la nuit du 4 août 1789 et l’abolition des privilèges. Ou faire l’apologie du monde du travail, de celles et ceux qui créent toutes les richesses tant matérielles qu’intellectuelles, appeler aux mobilisations, invoquer le mouvement contre la réforme des retraites pour défendre la retraite à 60 ans ou se référer aux révolutions du monde arabe... Mais après le lyrisme et les effets de tribune, viennent des interrogations sur ce « radicalisme concret » dont se revendique Melenchon.

« L’humain d’abord », intitulé du programme du Front de Gauche, évite soigneusement certaines questions clés. Par exemple, l’exigence du Smic à 1 700 euros brut nous laisse loin des 1 600 euros net nécessaires pour vivre aujourd’hui. De même l’interdiction des licenciements boursiers, point de « convergence » avec Ségolène Royal, est loin de répondre à l’urgence de vaincre le chômage par la répartition du travail entre tous. Et sur le fond, trois points essentiels ébranlent sa crédibilité. D’abord la volonté d’en finir avec l’aristocratie financière se contente de nationaliser « des » banques pour laisser cohabiter un secteur financier privé à côté d’un secteur public. Toute l’histoire démontre, celle en particulier des nationalisations réalisées par François Mitterrand, qu’une telle politique, au final, ne sert qu’à renflouer les intérêts privés.

Ensuite, dénoncer la dette, cette rente pour les riches, devrait se conclure par l’exigence de l’arrêt du paiement tant des intérêts que du principal.

Enfin, abolir les privilèges et les pouvoirs de la nouvelle aristocratie financière demandera bien plus que la « révolution citoyenne » à laquelle le Front de Gauche nous invite, une révolution citoyenne qui passe par une alliance avec le PS dont trois des possibles candidats sont venus faire un tour à la fête...

Et chacun de se réjouir des « convergences » ou de vanter, comme Martine Aubry, le rassemblement. Mélenchon s’en félicite. Certes, aujourd’hui il s’agit, pour eux, d’abord et surtout, de créer le rapport de forces, de marquer la différence face à ses anciens amis tout en laissant les portes ouvertes. Une telle politique ne peut répondre à l’ampleur des problèmes posés par la crise et aux besoins des classes populaires. On ne peut mélanger l’Internationale et la Marseillaise, le camp des travailleurs et celui des institutions en place, de l’État, façonnés pour servir les classes dominantes, la nouvelle aristocratie financière, ni flatter le nationalisme. Autant de points de discussion avec les camarades du Front de Gauche, autant de points de divergences qui rendent indispensable une campagne et un candidat anticapitalistes.

Yvan Lemaitre