Publié le Mercredi 18 novembre 2015 à 09h46.

Front national : Le vent (très) mauvais

Dans le contexte post-attentats, Marine Le Pen exploite surtout le filon anti-immigration. Elle avait cependant déjà radicalisé son discours depuis plusieurs semaines...

Le 10 novembre dernier, Marine Le Pen déclarait que, parmi ses priorités de politique régionale – si elle était élue à la tête de la nouvelle région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPDCP) – elle allait « dénoncer et éradiquer toute immigration bactérienne ». D’après sa tribune dans la presse régionale, « les hôpitaux font face à la présence alarmante de maladies contagieuses non européennes, liées à l’afflux migratoire ». Elle prétendait ainsi refuser « cette mise en danger de la santé de nos compatriotes ». Ce faisant, Marine Le Pen avait mis la main profondément dans le répertoire du racisme biologisant. Celui qui assimile l’étranger à la maladie, à la déchéance du corps, la « nation » étant assimilée à un corps biologique.

Actuellement, la présidente du FN tente de surenchérir encore sur le contexte des attentats, en le liant à l’afflux de migrantEs depuis août dernier (très très relatif en France, si on le compare aux arrivées en Autriche, en Allemagne, ou ailleurs). Prétendant que l’arrivée de migrantEs ayant fui la guerre en Syrie est liée au risque terroriste, Marine Le Pen a ainsi demandé, dimanche 15 novembre dès la sortie de l’Élysée où elle avait été reçue par Hollande, « l’arrêt de tout accueil de migrants », ainsi que « leur dispersion sur les villes et villages » français. Cela alors que justement la plupart des personnes ayant quitté la Syrie ont fui les actes criminels des djihadistes et/ou ceux d’un régime qui a laissé Daesh s’installer puisque ça l’arrangeait stratégiquement.

Le tout-à-l’ego de l’extrême droite

La vraie calamité reste en revanche pour Marine Le Pen la gestion des conflits internes. Un parti qui – malheureusement – a le vent en poupe, cela signifie aussi des dents longues, des ambitions et des egos à gérer. Pour un cas, le problème vient d’être résolu : le 9 novembre dernier, le député européen Aymeric Chauprade (ex-chef de la délégation du FN au Parlement européen) a déclaré qu’il quittait le parti. Parmi ses griefs, il y a le fait que Marine Le Pen aurait « dessaisi de toutes ses responsabilités, en janvier dernier, un de ses principaux collaborateurs »... Il parlait de lui-même. Les ambitions de Chauprade avaient en effet été bridées, certaines de ses tirades antimusulmanes allant trop loin sur le plan tactique pour la direction du FN.

Chauprade n’a pas pour autant tourné le dos à l’extrême droite politique. Il souhaite une nouvelle grande alliance à droite qui inclurait, entre autre, Robert Ménard (le maire de Béziers élu sur une liste soutenue par le FN sans en avoir la carte), Nadine Morano (Madame « race blanche », à la droite extrême de l’UMP/LR) ou encore Philippe de Villiers (celui-là même qui a twitté suite aux attentats « Voilà où nous a conduis le laxisme et la mosquéïsation de la France »). Désormais à l’extérieur du FN, Chauprade entend ainsi peser sur des milieux qui pourraient le ramener à une alliance avec la droite (libérale).

Dans le même esprit, il entend aussi influer sur le FN pour qu’il modifie sa ligne sociale et économique, ligne qui fait depuis six mois l’objet de critiques de nombreux acteurs dans et hors FN, apparaissant trop « à gauche » (en fait allant dans le sens de la pure démagogie sociale). Ainsi, Chauprade déclare : « Je crois faux [l’argumentation de Marine Le Pen] parce qu’en réalité, elle récolte les gens de voix désespérés. Son projet n’est pas fondé sur les forces vives de l’économie ». Pour Chauprade, cela reste une grosse erreur.

Bertold du Ryon