Publié le Mercredi 1 octobre 2025 à 17h00.

La taxe Zucman et la panique du capital

La panique s’empare de la bourgeoisie face à la proposition de Gabriel Zucman de taxer les ultra-riches à hauteur de 2 % de leur fortune.

Un vent de panique souffle chez les patrons. Le président du Medef menace d’une « grande mobilisation nationale » contre des mesures « confiscatoires ». Bernard Arnault accuse l’instigateur de ces dangereux projets d’être un « militant d’extrême gauche » qui aurait « la volonté clairement formulée de mettre à terre l’économie française ». Cette « offensive mortelle pour notre économie » pourrait conduire à la « destruction de l’économie libérale, la seule qui fonctionne pour le bien de tous ».

0,01 % des contribuables

Qu’est-ce qui provoque la colère du patronat et de la 7e fortune mondiale et première française (131 milliards d’euros de patrimoine) ? Une proposition de taxation des très hauts patrimoines formulée par un économiste français, Gabriel Zucman, enseignant à l’École normale supérieure et à l’École d’économie de Paris, après être passé par la London School of Economics et l’Université de Californie à Berkeley… pas des antres du gauchisme. Sa proposition éponyme est simple : un impôt plancher afin de s’assurer que les ménages disposant d’un patrimoine (biens immobiliers et professionnels — y compris actions, œuvres d’art, etc.) supérieur à 100 millions d’euros contribuent, au minimum, à hauteur de 2 % de ce patrimoine. La mesure concernerait 1 800 foyers fiscaux, soit 0,01 % de l’ensemble des contribuables, et permettrait de récolter entre 10 et 25 milliards d’euros selon les estimations. Une goutte d’eau au regard des milliards que brassent les plus riches. Mais pourquoi cette taxe, qui semble somme toute anecdotique, les énerve-t-elle autant ?

Un symbole 

D’abord parce que, dans un contexte de mobilisation sociale inédite en cette rentrée, la popularité de cette taxe (au moins 85 % des FrançaisEs l’approuvent, quelle que soit l’appartenance partisane) leur fait craindre que la bamboche soit peut-être finie. Qu’enfin, ils et elles pourraient devoir rendre (un peu) l’argent qu’ils et elles ont accumulé sur notre dos. Cette taxe est ­symbolique, c’est une digue qui sauterait avec son adoption. Ce qui explique l’entêtement de Macron et Lecornu à la refuser alors que sa mise en œuvre leur permettrait d’établir un deal sur l’adoption du budget avec le Parti socialiste.

Ensuite, la discussion de cette taxe a plus que jamais montré l’indécence des riches et l’avidité du capital. Les impôts payés chaque année par les centimillionnaires et les milliardaires représentent en moyenne 0,3 % de leur fortune totale. Les milliardaires paient, proportionnellement, deux fois moins d’impôts que la moyenne des FrançaisEs, tous prélèvements confondus. Depuis 1996, le patrimoine des 500 plus grandes fortunes françaises a été multiplié par 14, passant de 80 à 1 128 milliards d’euros ! C’est une progression trois fois plus rapide que celle du PIB, et leur richesse représente 40 % du PIB aujourd’hui contre 6 % il y a 30 ans. Et pour nous ? L’austérité, les 40 milliards de coupes budgétaires, la destruction des services publics et des salaires en berne.

Nos revendications légitimes

Enfin, cette taxe a remis au centre de l’agenda politique la question des inégalités et de la redistribution des richesses. Et les capitalistes voient bien que cette taxe est un cheval de Troie. Qu’elle est un point d’appui qui permet d’aller plus loin et de poser la question de qui produit, pour qui, pourquoi et comment. Qu’elle montre la légitimité de nos revendications : hausses et égalité des salaires (en incluant les cotisations), extension de la sphère de la gratuité et des champs de la sécurité sociale, retraite à 60 ans, réduction du temps de travail, etc. Parce que franchement, 2 % c’est bien, mais tout c’est mieux !

Il y a de ce point de vue un changement dans le climat idéologique et, combiné avec la détermination que le mouvement social a montrée depuis le 10 septembre, on voit bien ce qui effraie la bourgeoisie : l’inversion du rapport de forces. La bourgeoisie a beaucoup à perdre et mettra toutes ses forces dans la bataille, y compris les plus fascistes et réactionnaires s’il le faut, pour protéger le moindre de ses milliards. Et nous, nous avons bien plus que 2 % à gagner : allons les chercher.

William Daunora pour le groupe de travail économie