Pas de liste aux européennes pour le NPA, mais une campagne politique pour faire entendre une voix anticapitaliste et internationaliste, dont nous déclinerons un volet chaque semaine.
Malgré les suites de la crise de 2008, malgré le mécontentement des populations, l’Union européenne continue de préconiser des politiques d’austérité et de destruction des services publics. À gauche, du côté notamment de La France insoumise, il est habituel d’en rejeter la responsabilité sur Bruxelles et l’Allemagne, de dénoncer « l’Europe allemande ». Chômage, fermeture de lignes SNCF, privatisations, etc. : cela serait de la faute au poids de l’Allemagne dans l’Union européenne et aux orientations austéritaires qu’elle obligerait les autres États à appliquer.
Des technocrates et des patrons bien de chez nous
Il n’y a pas de doute que les différents États capitalistes membres de l’UE essaient tous de peser afin que les décisions adoptées soient celles qui leur conviennent, à chacun, le mieux. Et de ce point de vue, la bourgeoisie allemande et son État ont un poids plus important que d’autres pays, y compris la France. Mais au-delà des divergences qu’elles peuvent avoir, une chose est claire : les fractions dominantes du capital européen, quelle que soit leur nationalité, sont d’accord sur le fond de ces politiques antisociales. Les deux lois travail (celle de Hollande puis celle de Macron) ont été concoctées à Paris par des politiques, des technocrates et des patrons bien de chez nous. Il en est de même pour la contre-réforme des retraites. Et il ne faudrait pas non plus croire que, sur tous les plans, la situation dans les autres États-membres est pire qu’en France : en Belgique et au Luxembourg, par exemple, existent des mécanismes d’indexation des salaires sur les prix (en France l’indexation ne concerne que le SMIC).
Pour ce qui est du démantèlement des services publics, c’est un des exercices favoris de revenir de Bruxelles en disant tristement : « On n’aurait pas voulu cette décision, mais on a eu la Commission sur le dos ». Pure hypocrisie, alors que les grands groupes capitalistes français sont sur les rangs pour récupérer leur part des nouveaux secteurs livrés à la loi du profit, à l’instar de Vinci qui s’apprêtait à fondre sur Aéroports de Paris.
Et si un autre pouvoir, au service des travailleurEs comme Macron l’est à celui des capitalistes, se trouvait advenir en France, ses ennemis ne seraient pas seulement à Bruxelles et à Berlin mais à Paris, dans les rangs de la finance et des dirigeants des grandes firmes.
Combiner plusieurs niveaux de lutte
Pour remettre en cause ce système, il faut combiner plusieurs niveaux de lutte. Le premier concerne nos propres capitalistes et notre propre État. Les institutions européennes sont entièrement modelées par la défense du marché et de la concurrence, elles sont encore plus protégées des pressions des salariéEs et des masses populaires que les institutions des États nationaux mais elles ne sauraient être présentées comme l’adversaire prioritaire, voire exclusif. Nous ne sommes pas pour le « Frexit », agité par certains comme une solution miracle.
Au plan européen, comme dans chaque État, aucune avancée sociale et politique ne sera réelle sans empiéter significativement sur le domaine sacré de la grande propriété privée, sans remettre en cause le droit des patrons de licencier à leur guise et de gérer leurs affaires, en toute complicité avec les gouvernements, au mépris de toute préoccupation sociale et écologique.
C’est à partir de la mise en œuvre d’un programme de rupture, porté par la mobilisation des exploitéEs, que se pose la question de l’affrontement avec les institutions européennes. Non comme la clé permettant de retrouver une prétendue « souveraineté nationale » bien illusoire dans le cadre du maintien de la domination capitaliste, mais comme mesure d’auto-défense des travailleurEs et de leurs organes de lutte face au bras de fer que ne manqueront pas d’engager les institutions européennes et les différentes bourgeoisies, et dans l’attente d’une extension du processus aux autres pays européens. Et se poser cette question n’est pas faire une concession au nationalisme, comme croit utile de l’avancer Lutte ouvrière…
Henri Wilno